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Testez vos connaissances sur l’Emission de Bordeaux !

L’Émission de Bordeaux fait partie des plus appréciées des collectionneurs français, bien qu’elle demeure encore largement méconnue. Pour en apprendre davantage, il faut se plonger dans des ouvrages de référence, à l’image de la Monographie des timbres-poste de l’émission de Bordeaux d’Henri Lorne, publiée en 1951. Nous vous en dévoilons ici quelques extraits, une occasion idéale de tester vos connaissances sur l’histoire singulière de cette émission… et de découvrir des anecdotes surprenantes. Saviez-vous, par exemple, que la pratique consistant à vendre des timbres à un prix inférieur à leur valeur faciale ne date pas d’aujourd’hui ? Elle avait déjà cours à la fin du XIXe siècle… et c’étaient alors les timbres de l’Émission de Bordeaux qui en faisaient les frais ! Bonne lecture !

  • Pourquoi cette émission porte-t-elle le nom de la ville de Bordeaux ?

“Le 8 Septembre 1870, c'est-à-dire peu de jours après la proclamation de la IIIe République, paraissaient les premiers timbres correspondant à ce changement de régime et dénommés, depuis, « Timbres du Siège de Paris ». Mais, l'investissement de la capitale étant devenu effectif dès le 19 de ce même mois, il devint nécessaire, et même très pressant, de confier à une région non occupée et susceptible de ne pas l'être, le soin d'établir des vignettes postales et d'en approvisionner le territoire encore très vaste où ne résonnaient pas les bottes des soldats allemands.

Les timbres de l’Emission de Bordeaux.

On songea tout d'abord à Tours, mais, devant l'avance de l'ennemi, on opta finalement pour Bordeaux où devait précisément s'installer le gouvernement. La lettre de M. de Roussy, délégué du Ministère des Finances à Tours, adressée en date du 30 Septembre 1870 à M. de Maintenant, Inspecteur général des Finances, et qui est reproduite ci-dessous, est le premier document confirmant cette décision.

« J'ai pensé que la Monnaie de Bordeaux pourrait être chargée de la confection de timbres provisoires et dont l'exécution serait rendue aussi simple que possible par l'adoption du modèle ci-dessous. Quatre types de timbres (1, 4, 10 et 20 cent.) pourraient, à la rigueur, faire face aux exigences présentes, et, pour simplifier, il ne serait pas nécessaire que ces timbres fussent séparés par le pointillé actuel. Je vous prie de vous entendre avec le directeur de la fabrication des Monnaies de Bordeaux et de me faire connaître dans un délai aussi bref que possible, les dispositions qu'il y aurait à prendre, à la Monnaie de Bordeaux, pour être en mesure de confectionner, tous les jours, à partir du milieu de ce mois, environ 4.000 feuilles de 300 timbres chacune. Vous aurez aussi à étudier, de concert avec le directeur de la Monnaie, les moyens à adopter dans la fabrication, pour éviter toute contrefaçon. C'est un point essentiel sur lequel j'appelle toute votre attention. Je recommande cette question d'une manière spéciale à votre expérience et je vous serais très obligé de me rendre compte au plus tôt du résultat de vos démarches. »

  • Combien une planche entière de timbres de l’émission de Bordeaux comporte-t-elle de timbres ?

En matière d'impression lithographique, lorsqu'il s'agit de reproduire une quantité importante d'un même dessin, il est obligatoire, tant pour accélérer le tirage que pour éviter une usure trop rapide de la pierre, d'avoir recours à l'opération dite du report. A cet effet, on multiplie le dessin original en en tirant un certain nombre d'épreuves que l'on rassemble par un piquage sur un papier fort et que l'on décalque ensuite sur une pierre.

Pour l'émission de Bordeaux, le nombre d'épreuves ainsi reproduites fut de 15, soit trois rangées de 5, et constitua ainsi la matrice-report que nous dénommerons « Bloc- Report ». Mais, lorsque la quantité de vignettes est considérable, ce qui est le cas dans la circonstance et pour les mêmes motifs de rapidité d'exécution et d'usure trop rapide, il est recommandable d'effectuer une autre opération complémentaire avant de passer au tirage.

Bloc-report de 15 exemplaires du n°41B (4 c. gris report 2).

Cette opération consista à tirer du bloc-report vingt épreuves qui furent reportées à leur tour sur une grande pierre, constituant ainsi la planche de tirage de 300 vignettes. Cette planche comprenait deux panneaux comportant chacun cinq rangées de deux blocs-report de quinze unités, soit 5 x 30 = 150 unités par panneau. L'intervalle horizontal entre les blocs de 15 est à peu de chose près le même que celui entre les timbres. Par contre, l'intervalle vertical, séparant les deux panneaux, est sensiblement plus large, ceci permettant de les séparer facilement et d'obtenir ainsi des feuilles de 150 vignettes plus commodes à la manipulation.

Disposition schématique d’une feuille de 300 timbres, composée de 20 blocs-reports de 15 timbres.

Cette séparation était faite au préalable dans les bureaux, ce qui expliquerait pourquoi on ne rencontre pas des paires ou des blocs « inter-panneaux » comme cela existe dans d'autres émissions et qui constituent des pièces particulièrement recherchées par les collectionneurs. En existe-t-il néanmoins ? Cela reste, somme toute dans le domaine du possible et nous serions reconnaissants aux heureux possesseurs de nous le signaler.

D'après le procès-verbal établi le 12 août 1871, l'Administration fit procéder à la destruction de la partie essentielle de l’outillage ainsi que des matrices et des planches. La philatélie ne peut que déplorer profondément ce geste dont le motif nous échappe.


Publié le 14/02/2025 18:09  - aucun commentaire - |     |

  • Retouches et variétés célèbres

Une retouche est une modification ou réparation effectuée sur un cliché de la planche d'impression lorsque celle-ci a subi un accident (heurt, cassure) ou lorsque celle-ci est usée. Cette restauration qui n’atteint presque jamais l'état exact de l'original provoque des variétés souvent recherchées.

La retouche la plus connue est celle des 4 larges du 40 cent. orange de 1849 de France. Par erreur on avait placé dans la planche aux cases 146 et 147 de la feuille de droite, deux clichés du 20 cent. Pour ne pas refaire toute la planche, les chiffres ont été bouchés et regravés. La confection d'une planche était à cette époque un travail long et coûteux, il ne faut donc pas s'étonner des soins minutieux pris pour rectifier et entretenir le plus longtemps possible ce précieux matériel. La planche de 1849 ayant servi à nouveau en 1870, on retrouve la même variété sur les 40 cent. du Siège de Paris.

Les “4 retouchés” n°5 de France (Cérès 40 c. orange), en cases 146 et 147 de la feuille de droite.

Une autre retouche très recherchée est la retouche du 1 cent. Empire non lauré dans lequel le mot « Franc» a eu ses trois dernières lettres regravées. Dans ce travail l'A a été déplacé, l'N est plus petit et le C beaucoup plus grand, ce qui fait appeler cette variété le grand C. Il est situé à la 568 case de la feuille de gauche mais on ne le rencontre pas souvent. (…)

Le n°19d : A c. Empire avec retouche grand C dans le cartouche supérieur.

Parfois les timbres vivent longtemps avant que l'on se décide à corriger les accidents survenus en cours de tirage. C'est le cas du 20 cent. bleu Napoléon lauré dit « à la corne ». Cet accident a été longtemps pris pour une injure volontaire faite au régime, c'est peu probable.

N°29Bb : 20 centimes Empire lauré avec variété “à la corne”.

Une variété beaucoup plus intéressante et plus rare est le même 20 cent. bleu dit « à la pipe ». La cassure très importante au moment de la retouche a été réparée. On peut trouver ce timbre dans un grand nombre d'états différents et suivre ainsi sa vie au jour le jour.

N°29Bd : 20 centimes Empire lauré avec variété “à la pipe”.

L'accident du 1 cent. Napoléon lauré dit « à la cigarette » est du même ordre ; relativement commun sur les timbres de France, il est rare sur le colonial.

N°25b : 1 centime Napoléon Empire lauré avec variété “à la cigarette” tenant à normal, dans une paire avec annulation typographique des journaux.

Pierre Morel d’Arleux.”

Extraits de l’article publié dans l’ouvrage Poste et timbre-poste, Centenaire du timbre-poste français, 1849-1949.


Publié le 14/02/2025 18:08  - aucun commentaire - |     |

Ces timbres de France que vous ne trouverez jamais dans les catalogues

“La semaine dernière, nous vous avons présenté un article sur les timbres de Counani, extrait de l’ouvrage de référence de Georges Chapier, Les timbres de fantaisie et non officiels. Cette semaine, nous poursuivons sur cette thématique en vous proposant une sélection de timbres français que vous avez probablement déjà croisés et qui ont dû vous intriguer, car introuvables dans les catalogues. Cet article vous permettra de découvrir l’histoire de ces timbres qui, bien qu’ils ressemblent à des timbres-poste classiques, sont en réalité des vignettes aux origines étonnantes : monarchistes, féministes… ou même créées de toute pièce par un célèbre marchand de timbres. Vous découvrirez également que certains timbres de la Libération, encore répertoriés comme tels dans le catalogue Mayer, ne le sont pas du tout... puisqu’ayant été émis en 1942 ! Bonne lecture !”

  • Emission du comte de Chambord.

En 1875, alors que la vie de la 3e République ne tenait encore qu’à un fil, fut émise une série de vignettes à l’effigie du comte de Chambord. qui étaient destinées a être utilisées à titre de propagande et même peut-être, à servir de timbres-poste en cas de succès du prétendant.

Timbres à l’effigie du comte de Chambord, écussons fleudelysés. Légende : Postes France Postes. Existent dentelés et non dentelés. Sont connus : 10 c. orange, 10 c. rouge, 15 c. bleu, 15 c. lilas, 15 c. noir, 15 c. rouge, 15 c. brun, 15 c. vert.
  • Les timbres de Boulanger.

En 1887, le général Boulanger, devenu ministre de la guerre, tenta de s'emparer du pouvoir à la faveur de la grande popularité qu'il avait su acquérir en flattant l'esprit nationaliste d'une partie de la population. Cette tentative de dictature échoua assez piteusement, et l'agitation se calma aussi vite qu'elle était née, mais elle a laissé des traces dans les albums des amateurs de curiosité sous la forme d'une série de timbres imprimée par un entrepreneur allemand qui devait être utilisée si les projets de Boulanger avaient pu être menés à bonne fin.

Timbres à l’effigie du général Boulanger. Portrait du général dans un ovale, en haut : « Poste française », en bas indication de valeur. Dentelées 11 1/2 et non dentelées. Papier teinté. Sont connus : 1 cent. vert sur blanc. 5 -cent. rouge sur gris-bleu.10 cent. rouge sur jaune. 20 cent. bleu sur gris bleu. 25 cent. lilas sur blanc. 30 cent. vert sur gris lilas. 50 cent. bleu foncé sur jaune. 75 cent. lilas sur gris bleu.1 franc carmin sur blanc. 5 francs bleu sur blanc. 10 francs vert bronzé sur gris-bleu. 20 francs bronze doré sur gris-bleu. On rencontre aussi des essais de ces vignettes.

Arthur Maury, dans son Histoire des Timbres-Poste Français avait signalé aussi que des vignettes au type Sage avaient été imprimées avec le buste du général Boulanger à la place de le valeur, celle-ci figurait, en noir, dans la partie supérieure.

  • Les « Poneys Poste ».

En 1893, une entreprise privée fut créée au capital de 100.000 francs, en vue de conduire, moyennant une légère redevance, jusqu'aux wagons-poste des services de nuit, les lettres urgentes déposées dans les bureaux de tabac par des expéditeurs pressés.

Les correspondances étaient transportées dans des voitures légères traînées par de petits chevaux.

Cette entreprise fit imprimer, pour faciliter la perception, par les débitants de tabac, de la redevance réclamée à ses clients, des vignettes vendues 10 centimes portant la légende « Poneys Poste Abonnement » et représentant une tête de cheval. Ces vignettes auraient été vues en noir sur blanc, brun sur blanc et noir sur bleu-vert.

La vignette “Poneys Poste Abonnement”

Les expéditeurs qui pouvaient grouper dix lettres prenant la même direction ne payaient que 50 centimes ; une vignette spéciale tirée en brun sur blanc, avec une tête de cheval au centre d'une étoile à cinq branches et contenant les lettres « S.C.S.C.D. » fut émise à cet effet. Elle portait l'indication 0,50.

Les vignettes étaient souvent oblitérées en même temps que les timbres à côté desquels elles étaient apposées, à l'aide des cachets d'ambulants.

Vers la même époque fut créée à Lyon une société du même genre qui fit usage de vignettes rectangulaires tirées en noir sur rose, portant la légende « Courrier express Rémond et Cie, Paris et direction, 10, rue Lafont et 11, rue Pizay ». Une autre entreprise, organisée également à Lyon, utilisa des vignettes rectangulaires en noir sur gris-bleu contenant la mention « Courrier de Paris et direction, jusqu'à 6 h 45, 26, place Tolozan. »

Mais l'administration des postes finit par prendre ombrage de l'activité de ces dernières sociétés et y vit une atteinte à son prestige. Aussi, durent-elles cesser bientôt leurs services, dont seules les quelques vignettes conservées par les collectionneurs rappellent le souvenir.


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  • Vignettes féministes.

En 1901, la société « Le Suffrage des Femmes » présidée par Mme Hubertine Auclert, voulut donner la réplique au timbre-poste du type « Droit de l'Homme » de Mouchon, qui était alors en cours. Elle fit imprimer à cet effet des vignettes dentelées, représentant un homme habillé à l'antique, appuyé sur une sorte de plaque portant la mention « Droits de la Femme ». Cette vignette était tirée en bleu clair, bleu foncé et rouge.

La vignette “Drois de la femme”.

Cinq ans plus tard, la même société mit en circulation des vignettes également dentelées représentant un homme et une femme déposant ensemble leur bulletin de vote dans une urne, avec au fond, un soleil portant la légende « Suffrage Universel », préfiguration symbolique de la réforme qui devait seulement se réaliser trente-neuf ans plus tard. Cette vignette existe en bleu, brun, rouge-brun et violet.

La vignette “Suffrage universel”, ici oblitérée sur fragment.
  • Vignettes Maury.

Le célèbre marchand de timbres Maury avait eu l'ingénieuse idée de faire imprimer, dans un but de propagande, une vignette reproduisant son portrait avec la légende « Serbmit - Sirap à Yruam ».

Bien des chercheurs pâlirent sur cette mystérieuse inscription, qui, lorsqu'on la lisait à l'envers, signifiait tout simplement « Maury à Paris - Timbres ». On connaît 3 types différents dentelés et non dentelés en couleurs diverses.

La vignette Maury existe également sous forme de bande-journal, dont voici un exemple, acheminé postalement en Grande-Bretagne avec ajout d’un timbre anglais.
  • Les Timbres de l'Etat Flamand.

En novembre 1942, des familiers du Maréchal Pétain tentèrent, on le sait, de le décider à partir pour Alger, en lui faisant ressortir que les Allemands avaient rompu la Convention d'Armistice en occupant la zone dite « libre » et en nous forçant à démobiliser le peu d'armée qui nous restait. Certaines personnes lui assurèrent aussi que les Allemands projetaient de détacher le Nord de la France en l'intégrant à un Etat Flamand, dont la création était envisagée.

A l'appui de ce dernier point, et pour essayer de persuader le Chef de l'Etat, ils eurent l'idée machiavélique de surcharger faussement des timbres Français en cours de la mention « Vlaamsche Staat » signifiant « Etat Flamand » et d'un lion héraldique avec une nouvelle valeur en pfennigs.

Ces timbres furent présentés au Maréchal comme ayant été surchargés par les Allemands. Mais le chef de l'Etat ne se laissa pas convaincre et l'affaire en resta là.

La série “Etat flamand” qui est incluse, à tort, dans le catalogue Mayer des timbres de la Libération, mais qui n’en est pas moins intéressante historiquement. En plus des timbres ci-dessus, Chapier signale également un 8 pfennigs sur 1,50 + 50 outremer (Secours National).

Georges Chapier.

Texte publié dans son ouvrage de référence : Les timbres de fantaisie et non officiels, éditions de L’Echangiste universel”


 

Publié le 03/02/2025 15:44  - aucun commentaire - |     |
Couani  -  par HUGG

Counani : des timbres pour une république qui n’a jamais existé

Nous vous avons proposé, dans notre newsletter précédente, un article de Georges Chapier, consacré à la petite poste de Lyon. Mais si Georges Chapier est surtout connu, c’est pour l’immense travail qu’il a accompli afin de retracer l’origine des timbres de fantaisie et non officiels qui ont proliféré aux XIXᵉ et XXᵉ siècles. À cette époque, il n’était pas rare que des escrocs, plus ou moins habiles, émettent des timbres au nom de pays imaginaires, les vendant à des philatélistes en quête de raretés, jusqu’à ce que la supercherie soit découverte. Ces timbres méritent notre attention non seulement parce qu’ils continuent à déconcerter les philatélistes débutants, incapables de les retrouver dans les catalogues, mais aussi parce qu’ils cachent parfois des personnages hauts en couleur et des récits qui se rattachent avec la grande histoire. C’est le cas des timbres que nous vous invitons à découvrir cette semaine : ceux du territoire de Counani, situé en Guyane, et longtemps disputé entre le Brésil et la France.

“L'affaire de Counani était bien propre à donner lieu à des émissions fantaisistes car elle offrait pour cela un terrain des plus propices.

Cette région resta en effet à l’état indivis entre la France et le Brésil pendant 59 ans (de 1841 à 1900)., chacun des deux pays prétendant voir des droits sur lui aussi indiscutables qu’absolus. Les prétentions de la France n'étaient, certes, pas dénuées de bases solides car on relève dès 1605 l’octroi, par le roi Henri IV au chevalier de la Touche, du titre de lieutenant général du Roi depuis l’Amazone jusqu’à la Trinité. Après une éclipse au profit de l’Espagne, la France s’installa à Cayenne en 1664. Par le traité d’Utrecht, signé en 1713, elle renonça à tous les territoires situés entre l’Amazone et l’Oyapock, mais conserva ceux placés au nord de ce dernier fleuve. En 1777, un fort fut construit à Counani par les Français qui s’établirent également à Macani.

Pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire, les Portugais occupèrent toute la région des Guyanes et s'y installèrent. Le traité de Paris rendit à la France ses droits sur la région mais il omit de fixer avec exactitude les limites séparant les possessions françaises de celles du Portugal, ce dont découla le litige qui nous intéresse. Le traité d'Utrecht, auquel on se rapporta alors, ne s'avéra pas plus précis, ses termes ne définissant pas clairement le fleuve Oyapock qui se confondait avec l'Araguary, si bien que le territoire de Counani se vit réclamé par deux compétiteurs différents et fut finalement neutralisé le 5 juillet 1841 tandis que des négociations étaient entreprises entre la France et le Brésil, L’accord n'ayant pu se faire entre les deux républiques, le litige fut en fin de compte, soumis à la Suisse, qui après mûres réflexions, attribua le territoire contesté au Brésil. Ce dernier ne faisait d'ailleurs pas une acquisition bien brillante, cette région, presque aussi grande que la France, ne comptant qu'une population très clairsemée et ne possédant que peu de richesses naturelles.

Avant la décision helvétique deux tentatives d'un caractère héroï-comique avaient êté faites dans le but de créer une république indépendante de Counani, par deux ambitieux auxquels il ne manqua qu'un peu plus de génie et de sens, pratique pour réussir. Ces tentatives finirent d'ailleurs fort piteusement et n'ont guère laissé comme traces dans l'histoire que quelques timbres fantaisistes conservés comme souvenir par les amateurs de choses curieuses.

Carte du territoire revendiqué par la “République de Counani”.

Le premier de ces épisodes se place en 1887. C'est alors, en effet, qu'un romancier-chansonnier, Jules Gros, conçut le projet grandiose de fonder une république de la Guyane indépendante afin d'en faire don à la France. Il se mit en relations avec deux voyageurs qui avaient exploré ces régions et s'embarqua pour Counani. Arrivé « à pied d'œuvre » il entreprit des négociations avec les chefs locaux et se fit reconnaître par eux président d'un Etat libre qu'il fonda avec leur approbation. De retour en France il s'imagina très sérieusement qu'il était devenu chef de gouvernement; il se mit à légiférer, se fit appeler « Président de la République de la Guyane Indépendante », institua un conseil des ministres, créa une décoration : « l'ordre de Counani », nomma des fonctionnaires, émit, enfin, un timbre-poste dont il annonça la parution dans son Journal Officiel.

Jules Gros, premier président auto-proclamé de la “République de Counani'“.

Cette vignette était de gravure fort médiocre. Elle était ornée d’une étoile et portait la légende : Rep de Counani Postes Liberté. L’indication de valeur 25 c. était, par une étrange bizarrerie, imprimée à l'envers :

Le tout premier timbre de la “République du Counani”.

Le journal L'Ami des Timbres parlait de cette émission dans les termes suivants :

« En cataloguant ces timbres nous disions que l'authenticité nous en paraissait douteuse, mais nous avons reçu depuis la visite d'un officier français qui a séjourné dans ce pays et qui nous a affirmé s'être servi de ces timbres qui ont parfaitement affranchi sa correspondance partout où il a écrit et sans la moindre surtaxe, ils ont donc bien servi. »

Roussin, lorsqu'il signait ces lignes ignorait évidemment la valeur relative du mot partout qui désignait en l'espèce une vingtaine de villages habités par des naturels du pays qui ne devaient pas écrire bien souvent. Tout porte donc à croire que le rédacteur de L'Ami des Timbres s'était laissé largement abuser.

L'aventure se termina assez mal : Le Brésil s'étant plaint au gouvernement français, celui-ci intima au « président » l'ordre d'avoir à cesser ses agissements. Jules Gros tenta alors, sans succès, de céder une partie du territoire de Counani à l'Angleterre et s'embarqua à destination de son « Etat » mais il fut arrêté à Georgetown et réembarqué pour l'Europe par le gouverneur anglais. Ainsi finit cette affaire, qui fut close le 11 septembre 1877 par une note insérée au Journal Officiel (le vrai celui-là) mettant fin à l'existence pseudolégale de cette république d'opérette.

Cinq ans après en 1892, on apprenait tout à coup qu'un nouveau « président » revendiquait la succession de Jules Gros, décédé l'année d'avant. C'était M. Adolphe Brezet, originaire du Brésil et ancien caporal d'infanterie de marine, qui annonça son avènement à toutes les cours et chancelleries d'Europe le 5 octobre 1892 en faisant connaître que la république de Counani s'était donné une constitution. Cette notification était accompagnée de nombreux documents géographiques, historiques et économiques.


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Le Chef de ce lointain Etat accordait volontiers de nombreux interviews aux représentants de la presse se faisant appeller « Vana Assu », « l’homme grand » et se prétendant élu pour dix ans. Voici un échantillon de ses déclarations :

« La Counanie a une superficie de 625.000 kilomètres carrés¹ et compte plus de 300.000 habitants² ; notre territoire est plus grand que la France et les richesses en sont incalculables. Je ne touche aucune indemnité présidentielle. Nos 53 secrétaires, nos 53 députes, nos 11 sous-secrétaires d'Etat, n’émargent au budget que pour 150 francs à titre de frais de déplacements. Nous avons une armée de 2.500 hommes, mais nous n'avons que 500 fusils ; encore les avons-nous pris aux Brésiliens. »

Un service postal fut créé et son organisation definie dans une circulaire signée du « secrétaire des Postes et Télégraphes ». Voici la reproduction de ce document :

« Le Conseiller d'Etat, secrétaire des Postes et Télégraphes, informe les services intéressés que l'Etat libre procède à la réorganisation de son service postal, tant à l'intérieur qu'aux relations de ses bureaux avec les pays étrangers. Tout sera réorganisé et mis en vigueur à partir du 1er janvier prochain.

Les tarifs appliqués seront ceux de l'Union Postale Universelle.

Nous avons donné des ordres aux bureaux de poste de Counani de ne pas délivrer de mandats-poste tant que le service des envois recommandés ne sera pas assuré.

Le service des postes de Counani traitera les correspondances étrangères sur la base de réciprocité.

Les télégrammes doivent être envoyés par Cayenne.

Une ligne de bateaux à vapeur permet de rapides communications entre l'Europe et l'Etat libre de Counani, en relation avec la Guyane Française, Hollandaise et Anglaise et les au-tres Etats de l'Amérique et des Antilles.”

Une société anonyme au capital de 2 millions fut fondée, un de ses premiers actes fut d'émettre une série de timbres-poste, le suivant fut de créer une décoration, l'ordre du « Croissant rouge » dont Brezet était le grand dignitaire.

Il y eut deux émissions de vignettes, la première se fit au type de 1887, en format supérieur et avec la valeur modifiée 5 c. au lieu de 25 c. Les chiffres furent, cette fois, à l’endroit. L’impression se fit en noir sur papier de couleur. Il y eut 7 teintes différents correspondant aux divers districts postaux. Ces timbres furent non dentelés et existent en paires tête-bêche. (…)

Un nouveau type fut gravé peu après et tiré sur papier glacé, le millésime « 1893 » fut ajouté sous le mot « Liberté » et les couleurs furent changées, la valeur reste toujours fixée à 5 centimes.

Les timbres de la deuxième émission du Counani, avec le millésime “1893”. Ces timbres, comme les précédents, existent en 7 couleurs différents correspondant chacune à un district postal : magenta (Calchipour), jaune (Carsevenne), bleu (Couripi), vert (Lagune), orange (Ste-Marie), bleu pâle (Ouassa), blanc (Rocawa). On remarque dans cette nomenclature l’absence du Counani, fait pour le moins étonnant, car il semble que la capitale de cette république devait être la première à posséder ses figurines.

Ces timbres ne péchaient, certes, guère par un excès d'élégance et leur placement difficile y fut attribué. Aussi, le « gouvernement de Counani » décida-t-il de faire une émission qui soit digne de son importance. Le « secrétaire des Postes et Télégraphes » fit donc exécuter une nouvelle série typographique dont l'impression fut beaucoup plus fine, quoique le dessin soit toujours aussi insignifiant. Ces timbres furent dentelés ainsi qu'une série taxe et des vignettes pour lettres chargées et recommandées.

Timbres de la troisième série du Coutani. Les deux timbres de gauche sont issus de la série courante (8 valeurs différentes, de 1 centime à 1 bengali). Le timbre de droite est issu de la série de timbres-taxe (4 valeurs différents, de 5 centimes à 1 bengali). La série est complétée par 1 timbre pour lettres chargées et 1 timbre pour lettres recommandées.

Cette troisième série n'eut, en dépit de son bel (?) aspect typographique, aucun succès dans les milieux philatéliques et fut accueillie par une morne indifférence qui la fit rapidement sombrer dans le néant.

Une quatrième série fut encore éditée en 1893.

Timbre de la 4e série du Counani. Etoile dans un écusson entouré de lauriers. Légende “COUNANI - TRESOR - POSTES” et chiffres de la valeur. Il existe 5 valeurs différentes de ce timbre (5 c. vert, 10 c. rouge, 25 c. bleu, 50 c. violet et 1 f. jaune orange). Le timbre à 1 franc existe également avec surcharge S.O., afin d’être utilisé comme timbre de service (S.O. signifiant vraisemblablement Service Officiel). Les timbres à 50 c. et à 1 fr. existent également surchargés C.P. (avec nouvelle valeur à 5 fr. sur le 1 fr.), la surcharge C.P. signifiant Colis Postaux.
Timbres de la 4e série du Counani. Timbre consulaire : grand format non dentelé. Etoile surmontant le chiffre de la valeur dans un cadre contenant la légende “ETAT LIBRE DU COUNANI - TIMBRE CONSULAIRE" (répété deux fois)”. Etoile dans chaque angle.

Signalons, enfin, un timbre non dentelé mesurant 25 x 39 mm, portant une étoile avec le chiffre de la valeur au centre et la légende « Timbre-Etat libre de Counani » dont nous ne connaissons qu'une seule valeur. Il existe aussi des vignettes non dentelées aux « armes » de Counani.

Timbre à 60 c. rouge, vraisemblablement d’usage fiscal.

Adolphe Brézet se faisait alors volontiers photographier dans sa tenue officielle : coiffé d'un large béret, sabre au côté, et ruban de l'ordre du Croissant Rouge, à travers la poitrine, il avait vraiment belle allure avec toutes les décorations parsemées sur sa tunique. Un notable bourgeois de Lille accepta alors la dignité d'amiral counanien et se trouva ainsi mêlé au grand scandale dans lequel finit cette escroquerie de grand style où furent compromises bien d'autres personnes des plus honorables.

Seules de nos jours les quelques vignettes décrites ci-dessus rappellent le souvenir de cette retentissante affaire. Elles sont les derniers témoins d'une aventure qui aurait pu avoir des suites beaucoup plus sérieuses si elle avait été menée par d'autres hommes que ces ridicules fantoches que furent Jules Gros et Adolphe Brezet.

Georges Chapier.

Texte publié dans son ouvrage de référence : Les timbres de fantaisie et non officiels, éditions de L’Echangiste universel”

Publié le 14/01/2025 18:11  - aucun commentaire - |     |
 

Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.

C’est la raison pour laquelle nous republions chaque semaine une pépite issue de la littérature et que nous la partageons avec vous via notre newsletter.

Si cet article vous intéresse, n’hésitez pas à le commenter, à le “liker” ou, mieux encore, à le transférer à d’autres philatélistes ou à le partager sur vos réseaux.

Notre newsletter a également vocation à vous tenir informés de nos actualités, telles que les dates de nos ventes flashs ou nos participations à des salons, mais aussi à vous donner des “trucs d’expert”. Lisez-la régulièrement pour ne rien manquer !

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La petite poste de Lyon

Nous abordons rarement dans cette newsletter la préphilatélie qui est, rappelons-le, l’étude des marques postales antérieures à l’apparition du timbre. Cette spécialité effraie parfois les collectionneurs non initiés, qui la perçoivent comme complexe à déchiffrer et difficile à comprendre. À tort, à notre avis, car la préphilatélie, en plus d’être passionnante d’un point de vue historique, n’est pas si ardue à explorer, à condition d’y consacrer un peu de temps et d’attention. C’est donc dans l’espoir de susciter de nouvelles vocations que nous republions aujourd’hui le très bel article de Georges Chapier, consacré à la petite poste de Lyon, paru dans l’Echo de la Timbrologie du 31 mars 1941. Bonne lecture !

“Vers le milieu du XVIIIe siècle, le service des postes, s'il était fort bien organisé en France en ce qui concerne les relations avec l'ensemble du territoire de la monarchie et avec l'étranger, ne permettait pas de correspondre à l'intérieur même des villes.

C'est ainsi, par exemple, qu'un Parisien pouvait très bien confier aux postes royales une lettre à destination de n'importe quelle ville de France ou d'Europe. Par contre, il éprouvait les plus grandes difficultés à toucher un correspondant habitant Paris et devait, pour cela, soit faire porter sa lettre par un laquais, soit recourir aux bons soins d'un commissionnaire.

Déjà, au XVIIe siècle, M. de Villayer avait tenté de porter remède à cette situation en essayant de créer à Paris un service de poste locale pour lequel il obtint un privilège royal par lettres patentes en date du 18 Juillet 1653, mais cette initiative avait échoué devant l'indifférence du public qui allait jusqu'à glisser des souris dans les boîtes aux lettres qui avaient été posées dans Paris.

En 1680, un système similaire fut instauré avec plus de bonheur à Londres par un commerçant, William Dockwra, et fut incorporé cinq ans plus tard à la Ferme générale des Postes.

C'est en s'inspirant de ce procédé que Piarron de Chamousset, conseiller maître à la Chambre des Comptes, créa en 1758 un service de « petite poste » qui, par lettres patentes du 5 mars de la même année, reçut l'autorisation du roi Louis XV et, grâce à une organisation remarquable, fonctionna à l'entière satisfaction du public.

Carte maximum de 1961 représentant un facteur de la petite poste de Paris.

Il fallut dix-huit ans pour que ce système eut des rejetons. C'est, en effet, seulement vers 1776 que la ville de Bordeaux vit naître la « petite poste » provinciale.

Un an après, la ville de Lyon adoptait à son tour le même système. C'est à Dagron de la Motte qu'est due l'initiative de cette « petite poste » pour laquelle lui fut accordée, par lettres patentes du 13 Septembre 1777, une autorisation d'exploitation valable pour trente ans.

Nous possédons sur cette initiative deux pièces capitales. Ce sont deux avis officiels de l'administration municipale de Lyon, l'un informant le public de l'organisation du nouveau service, l'autre donnant tous les détails sur son fonctionnement.

Il ressort de ces documents que la « petite poste » de Lyon commença à fonctionner le 1er Janvier 1778, et s'étendait dans un rayon d'environ vingt kilomètres autour de la ville.

Dans la cité même, étaient installées soixante-dix boîtes aux lettres, placées pour la plupart chez des épiciers et marchands de tabac. Le public avait aussi la faculté de donner les lettres aux facteurs qui portaient, nous dit l'avis, « en forme de giberne un petit coffret de cuir fermé au cadenas où les lettres sont introduites par une ouverture telle qu'elles ne puissent être retirées qu'après ouverture du cadenas», ce qui constituait, en fait, de véritables boîtes aux lettres portatives.

Le nombre des facteurs était de seize pour la ville et les faubourgs, plus quelques surnuméraires. Les facteurs faisaient sept tournées par jour. La première tournée avait lieu, en hiver, à six heures du matin et, en été, a cinq heures du matin. La dernière tournée était effectuée en toutes saisons à six heures du soir.

Chaque facteur était muni d'un instrument sonore appelé « claquette », formé d'une planche de bois muni d'un manche mobile en fer, à l'aide duquel il annonçait son passage. Cependant, l'usage de cet appareil était interdit au cours de la première tournée du matin, afin, disait le règlement, « de ne point interrompre inutilement les dames qui sont encore dans les bras du sommeil », souci de galanterie qui paraîtrait bien intempestif de nos jours.

“Claquette” utilisée par les facteurs de la Petite poste, appelée aussi cliquette ou ténèbre dans la littérature spécialisée. Cet instrument a pour finalité de permettre au facteur de signaler son passage aux personnes attendant une lettre. L'objet se tient par la poignée du haut et s'agite de manière à faire heurter les pièces métalliques fixées de part et d'autre de la pièce de bois. Source : Musée de la Poste.

Les premiers facteurs furent, paraît-il, choisis avec un soin tout particulier. Ils devaient posséder de réelles aptitudes à la marche et présenter toutes les qualités requises de fidélité, de probité et d'intelligence afin de mériter la confiance du public. La discipline était des plus strictes et toute faute dans le service était sévèrement punie.


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Le tarif des lettres était de deux sols dans Lyon et de trois sols pour la banlieue. Il en coûtait trois sols par once pour transporter les colis. Le port pouvait indifféremment être payé à l'avance ou être laissé à la charge du destinataire.

Rien ne fut négligé pour assurer le succès de l'entreprise. L'avis au public insiste sur les avantages de la petite poste et fait ressortir, notamment, les facilités qu'elle apportera aux négociants qui pourront communiquer avec leurs commis, et aussi aux parents qui recevront des nouvelles de leurs enfants placés en nourrice car, dit l'imprimé, « Le nombre de nourrissons est immense, les femmes du bas étage étant aussi occupées que les hommes aux manufactures ». Dans le même ordre d'idées on signalait que la correspondance serait rendue plus facile avec les curés pour trouver des nourrices, curieuse publicité qui offre d'intéressants aperçus sur les us et coutumes d'une époque.

Les marques postales utilisées au cours du fonctionnement de la petite poste furent nombreuses. Il y eut d'abord les estampilles indiquant que le port avait été payé ou non. Celles de « port payé » furent au nombre de trois. La première utilisée contenait les lettres “P. P.” dans un cercle. Les deux autres renfermaient les mots “port payé”, dont un simple et l’autre formé de feuilles de laurier :

Lettre adressée au préfet du Rhône avec marque PORT PAYE dans un cercle simple.

Les lettres dont le port restaient à payer recevaient des cachets contenant les mots “port dû”, soit dans un rectangle aux angles droits ou cassés, soit dans un cercle :

Lettre avec marque PORT DU dans un rectangle aux bords cassés. A noter également le cachet indiquant la date de départ (17) et le numéro de la levée (2 Lée) - voir explications ci-dessous.

Au départ de Lyon, aucun cachet particulier n’était au début apposé. Toutefois, vers la fin du XVIIIe siècle, on fut usage d’estampille circulaire contenant la lettre L, seule ou surmontée d'une couronne penchée :

En banlieue, les lettres reçurent, vers la même époque, des griffes portant les mots BANLIEUE ou BANLIEUE DE LYON (en deux lignes), et qui servaient à indiquer la différence de tarif. On trouve aussi des plis portant le nom de la localité de départ. Le catalogue des Estampilles signale les noms suivants: Givors, Mornant, Charly, Chasselay, Curis, Saint-Rambert.

Lettre avec marque “banlieue de Lyon” et taxe 2 décimes manuscrite.

La date de départ était indiquée à l'aide d'un simple chiffre apposé au moyen d'une griffe :

Le numéro de la levée était porté par le même moyen, soit en entier: 6e LEVEE, soit en abrégé : 4e Lée, 3e Lvée :

Enfin, on trouvait encore au dos des lettres (et quelque-fois au recto) des timbres indiquant la lettre du bureau de poste (en petite capitale) et le numéro du facteur.

Ainsi revêtues d'estampilles sous toutes leurs coutures, les lettres ne risquaient évidemment guère de s'égarer.

Aussi le service de la petite poste fonctionna-t-il à l'entière satisfaction des « usagers » sans que rien de défavorable ne fût relevé à son égard. Toutefois, son créateur n'en eut pas longtemps le bénéfice. Un arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 juin 1780 supprima, en effet, les privilèges des maîtres des petites postes et incorpora celles-ci dans les postes générales, en laissant cependant un délai allant jusqu'au 1er décembre 1783 pour réaliser ce rattachement.

Nous n'avons pu déterminer la date à laquelle se fit l’incorporation de la petite poste de Lyon. En tout cas, il convient d'insister sur le fait que rien ne fut changé à l'organisation des services de petites postes qui passèrent simplement sous la direction de l'Etat et continuèrent, en fait, à fonctionner comme par le passé, en conservant même leur nom pendant de nombreuses années. (On trouve encore, en 1805, à Bordeaux, des cachets portant la mention « petite poste »).

Lettre transportée par la petite poste de Bordeaux en 1800. Au recto : marque appliquée en noir PETITE-POSTE / BORDEAUX. Source : Musée de la Poste.

Un arrêt du Conseil d'Etat du 31 mai 1786 avait d'ailleurs étendu le bénéfice de la petite poste aux villes qui en étaient dépourvues. Ainsi fut consacrée l'utilité de cette réforme qui, pour avoir été tardive, n'en fut que plus appréciée.

II faut donc rendre hommage à ceux qui, sans autre appui officiel que des lettres patentes, entreprirent de créer un peu partout des petites postes, et tout d'abord au précurseur que fut M. de Villayer, à Piarron de Chamousset, et à tous leurs disciples : Dagron de la Motte à Lyon, Delaunay à Nancy, Mangin à Nantes, Auvresle à Strasbourg, etc.

C'est grâce à ces pionniers, dont peu purent bénéficier pleinement du fruit de leurs efforts, que nos pères purent, ce qui nous semble aujourd'hui si naturel, correspondre entre eux à l'intérieur des villes.

L'ensemble des cachets des petites postes forme l'un des chapitres les plus attachants de la marcophilie. Les estampilles de la poste lyonnaise sont, en particulier, fort intéressantes à rechercher et constituent autant de raretés. Heureux ceux qui peuvent mettre la main sur seulement une d'entre elles !

Georges Chapier.”

Publié le 07/01/2025 18:36  - aucun commentaire - |     |

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Publié le 23/12/2024 16:42  - aucun commentaire - |     |

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Port de la Rochelle  -  par HUGG
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Les secrets du premier timbre gravé de France : le Port de La Rochelle

Newsletter de la maison Calves #38

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Les secrets du premier timbre gravé de France : le Port de La Rochelle

Certains timbres sont plus complexes à collectionner que d'autres, et le timbre du Port de la Rochelle en fait partie. Cette difficulté provient principalement des trois types différents qui le composent, et qui peuvent parfois désorienter les philatélistes. Dans l'Écho de la Timbrologie du 31 décembre 1941, C. Guéritault propose une étude remarquable sur ce timbre. Parmi les nombreuses informations précieuses que contient cet article, l’une d’elles mérite d’être retenue particulièrement : contrairement à ce que suggère aujourd'hui le catalogue Yvert et Tellier, il n'est pas nécessaire que les filets intérieurs et extérieurs du chiffre 0 de « POSTES » soient tous deux interrompus pour identifier un type II. L'interruption de l'un ou de l'autre suffit ! Bonne lecture !

“Le timbre de 10 francs, représentant l'entrée du port de La Rochelle, dont le dessin et la gravure, également remarquables, sont dus au maître H. Cheffer, est le premier des timbres gravés de France qui ait été tiré sur rotative ; contrairement à son contemporain, le timbre de 20 fr. “Pont du Gard”, il n'a pas donné lieu à un premier tirage à plat sur presse à bras.

D'après les renseignements que nous avons pu obtenir, la mise en route de cette nouvelle fabrication a donné lieu à un certain nombre de recherches, voire de tâtonnements, afin de vaincre des difficultés d'ordre technique. En tous cas, et du premier coup, le résultat fut excellent et fait grandement honneur à l'Atelier du Timbre du boulevard Brune.

Le tirage définitif, par feuilles de vingt-cinq (5 x 5), eut lieu à partir du 22 mars 1929. Ce tirage fut effectué dans une nuance outremer, d'une teinte assez claire, nuance qui resta constante pendant toute la durée de l'utilisation de la première série des trois planches gravées, enroulées sur le cylindre de la machine.

L'épreuve de luxe, d'une finesse admirable, provient du même coin, et est tirée exactement dans la même nuance.

Epreuve de luxe du timbre Port de La Rochelle, avec cuvette et perforation.

Mais, avant la mise en vente de ce timbre outremer, avaient eu lieu, sur les mêmes planches, deux tirages, dans des nuances différentes, du même timbre. Ces tirages furent exécutés, l'un, dans une nuance chaudron clair, de même tonalité, mais plus pâle, que celle du timbre de 20 fr. « Pont du Gard », l'autre dans une nuance brun très foncé. Les timbres de ces tirages n’ont pas été mis en circulation, mais quelques feuilles dentelées (deux ou trois sans doute ?), de la nuance chaudron clair, ont été officiellement remises à de hautes personnalités qui s’étaient spécialement intéressées au nouveau mode de fabrication de l’Atelier du Timbre. Que sont devenues ces feuilles ? On l’ignore, sauf pour l’une d’entre elles, dont une quinzaine de timbres furent, pour la plupart, à l’époque, entre les mains d’un de nos plus réputés experts, et se sont classés dans d’importantes collections.

Le timbre Port de La Rochelle, dans la nuance chaudron clair (n°261A du catalogue Yvert et Tellier).

D’après nos informations, puisées à bonne source, quelques feuilles du tirage “brun très foncé” ont sans doute également été remises à de hautes personnalités mais, jusqu’ici, d’après l’enquête à laquelle nous avons procédé à cet égard, aucun exemplaire n’en serait connu dans les milieux philatéliques autorisés. (…)

Le timbre Port de La Rochelle, dans la nuance brun-noir et en version dentelée (n°261B du catalogue Yvert et Telllier).

Ceci dit, le premier tirage dans la nuance outremer, pour la mise en cours du timbre, est donc bien, comme indiqué ci-dessus, du 22 mars 1929 et ce tirage dura jusqu'au 27 mars. Les planches comportaient un numérotage et une date, imprimés sur la droite de la feuille, la date figurant à l'angle supérieur et le numérotage à l'angle inférieur. Les feuilles entières, et même les blocs de quatre avec le coin daté, de ce premier tirage, sont fort rares, étant donné que tout le tirage a été effectué dans une période de six jours, et alors que l’attention n'a pas été attirée sur une particularité dont on ne pouvait prévoir une aussi rapide disparition.

En effet un deuxième tirage, avec les mêmes planches, eut lieu du 19 avril au 8 juin 1929. Mais, dans ce tirage, le numérotage et la date sont imprimés à gauche des feuilles, le numérotage dans l’angle supérieur et la date dans l'angle inférieur. Cette disposition s’est, depuis lors, constamment maintenue pour tous les timbres gravés comportant un numérotage et une date, si bien que le premier tirage du 10 fr. susvisé est le seul de tous les timbres gravés portant la date à droite.

Les feuilles entières de ce deuxième tirage nous paraissent également rares (les coins datés le sont moins), peu de collectionneurs et de marchands avant sans doute pensé qu'une nouvelle gravure de ce timbre verrait le jour au bout de quelques mois seulement. Nous n'avons relevé, sur les diverses feuilles que nous avons examinées, aucune particularité spéciale.

Timbre Port de la Rochelle, nuance outremer, au type I, avec coin daté du 23 mai 1929 (n°261b du catalogue Yvert et Tellier).

Les timbres de ces deux premiers tirages sont ce que l'on est convenu d'appeler le type I. La finesse de la gravure et la beauté des tirages sont remarquables. Toutefois, il paraît que, du point de vue technique, certaines préoccupations subsistaient. Toujours est-il qu'un nouveau coin fut exécuté par le graveur pour reprendre le tirage en 1930. Avec la ou les molettes provenant de ce coin furent gravées trois nouvelles planches (une série de trois planches pour enroulement sur la machine) et les timbres de ces planches constituent ce que l'on appelle le type II du 10 francs.


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Timbre Port de La Rochelle, nuance bleue, au type II, avec coin daté du 22 septembre 1930 (n°261c du catalogue Yvert et Tellier).

Ce type, d'après les catalogues, est caractérisé par les points suivants: Forme différente de la lettre E du mot POSTES. Tracé incomplet du 0 de la valeur 10 fr. (…)

A gauche : le timbre au type I. Le E de POSTES montre un petit trait vertical en haut à droite. A droite : le timbre au types II et III. Le E de POSTES ne montre pas ce petit trait.

Pour ce qui est de la forme de la lettre E l'indication donnée est exacte et complète. Il n'en est pas de même pour ce qui est du tracé du 0 de la valeur. Le catalogue Yvert, France et Colonies, de 1939, donne le tracé ci-dessous, avec le filet intérieur du 0 ouvert en bas et le filet extérieur continu :

Le catalogue général Yvert de 1942 donne un autre tracé, avec le filet intérieur et le filet extérieur également interrompus vers le bas, le filet extérieur s'arrêtant, à gauche, au niveau de la troisième ligne horizontale de hachure à partir du bas du cartouche et, à droite, au niveau de la deuxième ligne de hachure.

D'autres tracés encore, également différents, ont été publiés par ailleurs. De fait, quelque bizarre que cela paraisse à première vue, tous ces tracés sont rigoureusement exacts.

L'étude extrêmement curieuse, que nous espérons avoir pu mener à bien, des trois planches de ce tirage, montre en effet que les soixante-quinze timbres de ces trois planches comportent des variétés différentes et constantes dues sans doute, les unes à des difficultés dans la gravure des planches par la molette de report (difficultés provenant probablement de la nature des métaux employés), les autres à des retouches faites au burin sur certains des timbres de ces planches pour remédier à de légères défectuosités de report. (…) Nous avons pu étudier quatre planches entières : n°16986 du 20-9-30 ; n°15741 du 30-9-30 ; n°63551 du 17-10-30 ; et n°63552 du 17-10-30.

Nous pensons que notre étude permet un classement plus méthodique et plus complet des timbres si intéressants de ce type, que nous proposons de schématiser comme suit :

1- filet extérieur interrompu, filet intérieur du O ininterrompu (3e timbre d'une des planches).

Cas n°1

2- filet extérieur du O ininterrompu et trait parasite (20e timbre de la même planche), filet intérieur interrompu.

Cas n°2

3- retouche du filet extérieur du O prolongé en bas et à gauche jusqu'au cadre, filet intérieur interrompu, 19e timbre de la même planche.

Cas n°3

4- filets intérieur et extérieur du O interrompus ; filet extérieur horizontal du bas du 1 existant.

Cas n°4

5- filets intérieur et extérieur du O interrompus, filet extérieur du bas horizontal du bas du 1 inexistant.

Cas n°5

Dans un autre ordre d’idées, on a indiqué que les timbres au type II se distinguaient facilement par leur nuance spéciale. Cela n’est exact que pour une partie du tirage. Ce tirage a été effectivement effectué en trois fois : a- du 18 au 23 septembre 1930 ; b- du 29 Septembre au 7 octobre 1930 ; c- les 16 et 17 Octobre 1930.

Or la partie b du tirage a bien été effectuée dans une nuance outremer, plus foncée mais de la même gamme de teinte que celle du tirage de 1929, tandis que pour les parties a et c on a employé une couleur bleu foncé très voisine de celles des tirages de 1931 et assez difficile assez difficile à distinguer de ceux-ci, même quand les feuilles sont juxtaposées. On peut donc dire que le type II existe nettement en deux nuances : outremer foncé et bleu foncé. (…)

Sans doute, les planches du type II n'ont pas encore donné toute satisfaction du point de vue technique, car, en 1931, apparaît un troisième type, qui provient du même coin que le type II, mais sans doute de molettes et tout au moins de planches différentes.

Timbre Port de La Rochelle, nuance bleu foncé, type III, avec coin daté du 11 avril 1936 (n°261 du catalogue Yvert et Telllier).

Les tirages de ce troisième type, effectués en 1931, 1932, 1935 et 1936, sont encore en planches de vingt-cinq. La teinte est bleu foncé, avec peu de variantes, et, cette fois, les planches sont impeccables et ne présentent aucune variété, les filets extérieurs des 0 et 1 des chiffres de la valeur étant absolument normaux. (…)

L'emploi du timbre de 10 fr. étant devenu plus important, l’administration fit faire, en 1937, une quatrième série de trois nouvelles planches, de cinquante timbres chacune. Le tirage resta dans même nuance bleu foncé et nous n’avons relevé aucune variété intéressante; le type est toujours le type III des tirages précédents. (…) A ce moment le modèle du timbre fut changé et remplacé par celui du « Donjon de Vincennes ». (…)

C. Guéritault.”


Publié le 03/12/2024 18:42  - aucun commentaire - |     |

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