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Timbres - 2€ Commémoratives - Billets - Matériels pour Collectionneurs |
Counani : des timbres pour une république qui n’a jamais existé
Nous vous avons proposé, dans notre newsletter précédente, un article de Georges Chapier, consacré à la petite poste de Lyon. Mais si Georges Chapier est surtout connu, c’est pour l’immense travail qu’il a accompli afin de retracer l’origine des timbres de fantaisie et non officiels qui ont proliféré aux XIXᵉ et XXᵉ siècles. À cette époque, il n’était pas rare que des escrocs, plus ou moins habiles, émettent des timbres au nom de pays imaginaires, les vendant à des philatélistes en quête de raretés, jusqu’à ce que la supercherie soit découverte. Ces timbres méritent notre attention non seulement parce qu’ils continuent à déconcerter les philatélistes débutants, incapables de les retrouver dans les catalogues, mais aussi parce qu’ils cachent parfois des personnages hauts en couleur et des récits qui se rattachent avec la grande histoire. C’est le cas des timbres que nous vous invitons à découvrir cette semaine : ceux du territoire de Counani, situé en Guyane, et longtemps disputé entre le Brésil et la France.
“L'affaire de Counani était bien propre à donner lieu à des émissions fantaisistes car elle offrait pour cela un terrain des plus propices.
Cette région resta en effet à l’état indivis entre la France et le Brésil pendant 59 ans (de 1841 à 1900)., chacun des deux pays prétendant voir des droits sur lui aussi indiscutables qu’absolus. Les prétentions de la France n'étaient, certes, pas dénuées de bases solides car on relève dès 1605 l’octroi, par le roi Henri IV au chevalier de la Touche, du titre de lieutenant général du Roi depuis l’Amazone jusqu’à la Trinité. Après une éclipse au profit de l’Espagne, la France s’installa à Cayenne en 1664. Par le traité d’Utrecht, signé en 1713, elle renonça à tous les territoires situés entre l’Amazone et l’Oyapock, mais conserva ceux placés au nord de ce dernier fleuve. En 1777, un fort fut construit à Counani par les Français qui s’établirent également à Macani.
Pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire, les Portugais occupèrent toute la région des Guyanes et s'y installèrent. Le traité de Paris rendit à la France ses droits sur la région mais il omit de fixer avec exactitude les limites séparant les possessions françaises de celles du Portugal, ce dont découla le litige qui nous intéresse. Le traité d'Utrecht, auquel on se rapporta alors, ne s'avéra pas plus précis, ses termes ne définissant pas clairement le fleuve Oyapock qui se confondait avec l'Araguary, si bien que le territoire de Counani se vit réclamé par deux compétiteurs différents et fut finalement neutralisé le 5 juillet 1841 tandis que des négociations étaient entreprises entre la France et le Brésil, L’accord n'ayant pu se faire entre les deux républiques, le litige fut en fin de compte, soumis à la Suisse, qui après mûres réflexions, attribua le territoire contesté au Brésil. Ce dernier ne faisait d'ailleurs pas une acquisition bien brillante, cette région, presque aussi grande que la France, ne comptant qu'une population très clairsemée et ne possédant que peu de richesses naturelles.
Avant la décision helvétique deux tentatives d'un caractère héroï-comique avaient êté faites dans le but de créer une république indépendante de Counani, par deux ambitieux auxquels il ne manqua qu'un peu plus de génie et de sens, pratique pour réussir. Ces tentatives finirent d'ailleurs fort piteusement et n'ont guère laissé comme traces dans l'histoire que quelques timbres fantaisistes conservés comme souvenir par les amateurs de choses curieuses.
Le premier de ces épisodes se place en 1887. C'est alors, en effet, qu'un romancier-chansonnier, Jules Gros, conçut le projet grandiose de fonder une république de la Guyane indépendante afin d'en faire don à la France. Il se mit en relations avec deux voyageurs qui avaient exploré ces régions et s'embarqua pour Counani. Arrivé « à pied d'œuvre » il entreprit des négociations avec les chefs locaux et se fit reconnaître par eux président d'un Etat libre qu'il fonda avec leur approbation. De retour en France il s'imagina très sérieusement qu'il était devenu chef de gouvernement; il se mit à légiférer, se fit appeler « Président de la République de la Guyane Indépendante », institua un conseil des ministres, créa une décoration : « l'ordre de Counani », nomma des fonctionnaires, émit, enfin, un timbre-poste dont il annonça la parution dans son Journal Officiel.
Cette vignette était de gravure fort médiocre. Elle était ornée d’une étoile et portait la légende : Rep de Counani Postes Liberté. L’indication de valeur 25 c. était, par une étrange bizarrerie, imprimée à l'envers :
Le journal L'Ami des Timbres parlait de cette émission dans les termes suivants :
« En cataloguant ces timbres nous disions que l'authenticité nous en paraissait douteuse, mais nous avons reçu depuis la visite d'un officier français qui a séjourné dans ce pays et qui nous a affirmé s'être servi de ces timbres qui ont parfaitement affranchi sa correspondance partout où il a écrit et sans la moindre surtaxe, ils ont donc bien servi. »
Roussin, lorsqu'il signait ces lignes ignorait évidemment la valeur relative du mot partout qui désignait en l'espèce une vingtaine de villages habités par des naturels du pays qui ne devaient pas écrire bien souvent. Tout porte donc à croire que le rédacteur de L'Ami des Timbres s'était laissé largement abuser.
L'aventure se termina assez mal : Le Brésil s'étant plaint au gouvernement français, celui-ci intima au « président » l'ordre d'avoir à cesser ses agissements. Jules Gros tenta alors, sans succès, de céder une partie du territoire de Counani à l'Angleterre et s'embarqua à destination de son « Etat » mais il fut arrêté à Georgetown et réembarqué pour l'Europe par le gouverneur anglais. Ainsi finit cette affaire, qui fut close le 11 septembre 1877 par une note insérée au Journal Officiel (le vrai celui-là) mettant fin à l'existence pseudolégale de cette république d'opérette.
Cinq ans après en 1892, on apprenait tout à coup qu'un nouveau « président » revendiquait la succession de Jules Gros, décédé l'année d'avant. C'était M. Adolphe Brezet, originaire du Brésil et ancien caporal d'infanterie de marine, qui annonça son avènement à toutes les cours et chancelleries d'Europe le 5 octobre 1892 en faisant connaître que la république de Counani s'était donné une constitution. Cette notification était accompagnée de nombreux documents géographiques, historiques et économiques.
Le Chef de ce lointain Etat accordait volontiers de nombreux interviews aux représentants de la presse se faisant appeller « Vana Assu », « l’homme grand » et se prétendant élu pour dix ans. Voici un échantillon de ses déclarations :
« La Counanie a une superficie de 625.000 kilomètres carrés¹ et compte plus de 300.000 habitants² ; notre territoire est plus grand que la France et les richesses en sont incalculables. Je ne touche aucune indemnité présidentielle. Nos 53 secrétaires, nos 53 députes, nos 11 sous-secrétaires d'Etat, n’émargent au budget que pour 150 francs à titre de frais de déplacements. Nous avons une armée de 2.500 hommes, mais nous n'avons que 500 fusils ; encore les avons-nous pris aux Brésiliens. »
Un service postal fut créé et son organisation definie dans une circulaire signée du « secrétaire des Postes et Télégraphes ». Voici la reproduction de ce document :
« Le Conseiller d'Etat, secrétaire des Postes et Télégraphes, informe les services intéressés que l'Etat libre procède à la réorganisation de son service postal, tant à l'intérieur qu'aux relations de ses bureaux avec les pays étrangers. Tout sera réorganisé et mis en vigueur à partir du 1er janvier prochain.
Les tarifs appliqués seront ceux de l'Union Postale Universelle.
Nous avons donné des ordres aux bureaux de poste de Counani de ne pas délivrer de mandats-poste tant que le service des envois recommandés ne sera pas assuré.
Le service des postes de Counani traitera les correspondances étrangères sur la base de réciprocité.
Les télégrammes doivent être envoyés par Cayenne.
Une ligne de bateaux à vapeur permet de rapides communications entre l'Europe et l'Etat libre de Counani, en relation avec la Guyane Française, Hollandaise et Anglaise et les au-tres Etats de l'Amérique et des Antilles.”
Une société anonyme au capital de 2 millions fut fondée, un de ses premiers actes fut d'émettre une série de timbres-poste, le suivant fut de créer une décoration, l'ordre du « Croissant rouge » dont Brezet était le grand dignitaire.
Il y eut deux émissions de vignettes, la première se fit au type de 1887, en format supérieur et avec la valeur modifiée 5 c. au lieu de 25 c. Les chiffres furent, cette fois, à l’endroit. L’impression se fit en noir sur papier de couleur. Il y eut 7 teintes différents correspondant aux divers districts postaux. Ces timbres furent non dentelés et existent en paires tête-bêche. (…)
Un nouveau type fut gravé peu après et tiré sur papier glacé, le millésime « 1893 » fut ajouté sous le mot « Liberté » et les couleurs furent changées, la valeur reste toujours fixée à 5 centimes.
Ces timbres ne péchaient, certes, guère par un excès d'élégance et leur placement difficile y fut attribué. Aussi, le « gouvernement de Counani » décida-t-il de faire une émission qui soit digne de son importance. Le « secrétaire des Postes et Télégraphes » fit donc exécuter une nouvelle série typographique dont l'impression fut beaucoup plus fine, quoique le dessin soit toujours aussi insignifiant. Ces timbres furent dentelés ainsi qu'une série taxe et des vignettes pour lettres chargées et recommandées.
Cette troisième série n'eut, en dépit de son bel (?) aspect typographique, aucun succès dans les milieux philatéliques et fut accueillie par une morne indifférence qui la fit rapidement sombrer dans le néant.
Une quatrième série fut encore éditée en 1893.
Signalons, enfin, un timbre non dentelé mesurant 25 x 39 mm, portant une étoile avec le chiffre de la valeur au centre et la légende « Timbre-Etat libre de Counani » dont nous ne connaissons qu'une seule valeur. Il existe aussi des vignettes non dentelées aux « armes » de Counani.
Adolphe Brézet se faisait alors volontiers photographier dans sa tenue officielle : coiffé d'un large béret, sabre au côté, et ruban de l'ordre du Croissant Rouge, à travers la poitrine, il avait vraiment belle allure avec toutes les décorations parsemées sur sa tunique. Un notable bourgeois de Lille accepta alors la dignité d'amiral counanien et se trouva ainsi mêlé au grand scandale dans lequel finit cette escroquerie de grand style où furent compromises bien d'autres personnes des plus honorables.
Seules de nos jours les quelques vignettes décrites ci-dessus rappellent le souvenir de cette retentissante affaire. Elles sont les derniers témoins d'une aventure qui aurait pu avoir des suites beaucoup plus sérieuses si elle avait été menée par d'autres hommes que ces ridicules fantoches que furent Jules Gros et Adolphe Brezet.
Georges Chapier.
Texte publié dans son ouvrage de référence : Les timbres de fantaisie et non officiels, éditions de L’Echangiste universel”
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Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
C’est la raison pour laquelle nous republions chaque semaine une pépite issue de la littérature et que nous la partageons avec vous via notre newsletter.
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La petite poste de Lyon
Nous abordons rarement dans cette newsletter la préphilatélie qui est, rappelons-le, l’étude des marques postales antérieures à l’apparition du timbre. Cette spécialité effraie parfois les collectionneurs non initiés, qui la perçoivent comme complexe à déchiffrer et difficile à comprendre. À tort, à notre avis, car la préphilatélie, en plus d’être passionnante d’un point de vue historique, n’est pas si ardue à explorer, à condition d’y consacrer un peu de temps et d’attention. C’est donc dans l’espoir de susciter de nouvelles vocations que nous republions aujourd’hui le très bel article de Georges Chapier, consacré à la petite poste de Lyon, paru dans l’Echo de la Timbrologie du 31 mars 1941. Bonne lecture !
“Vers le milieu du XVIIIe siècle, le service des postes, s'il était fort bien organisé en France en ce qui concerne les relations avec l'ensemble du territoire de la monarchie et avec l'étranger, ne permettait pas de correspondre à l'intérieur même des villes.
C'est ainsi, par exemple, qu'un Parisien pouvait très bien confier aux postes royales une lettre à destination de n'importe quelle ville de France ou d'Europe. Par contre, il éprouvait les plus grandes difficultés à toucher un correspondant habitant Paris et devait, pour cela, soit faire porter sa lettre par un laquais, soit recourir aux bons soins d'un commissionnaire.
Déjà, au XVIIe siècle, M. de Villayer avait tenté de porter remède à cette situation en essayant de créer à Paris un service de poste locale pour lequel il obtint un privilège royal par lettres patentes en date du 18 Juillet 1653, mais cette initiative avait échoué devant l'indifférence du public qui allait jusqu'à glisser des souris dans les boîtes aux lettres qui avaient été posées dans Paris.
En 1680, un système similaire fut instauré avec plus de bonheur à Londres par un commerçant, William Dockwra, et fut incorporé cinq ans plus tard à la Ferme générale des Postes.
C'est en s'inspirant de ce procédé que Piarron de Chamousset, conseiller maître à la Chambre des Comptes, créa en 1758 un service de « petite poste » qui, par lettres patentes du 5 mars de la même année, reçut l'autorisation du roi Louis XV et, grâce à une organisation remarquable, fonctionna à l'entière satisfaction du public.
Il fallut dix-huit ans pour que ce système eut des rejetons. C'est, en effet, seulement vers 1776 que la ville de Bordeaux vit naître la « petite poste » provinciale.
Un an après, la ville de Lyon adoptait à son tour le même système. C'est à Dagron de la Motte qu'est due l'initiative de cette « petite poste » pour laquelle lui fut accordée, par lettres patentes du 13 Septembre 1777, une autorisation d'exploitation valable pour trente ans.
Nous possédons sur cette initiative deux pièces capitales. Ce sont deux avis officiels de l'administration municipale de Lyon, l'un informant le public de l'organisation du nouveau service, l'autre donnant tous les détails sur son fonctionnement.
Il ressort de ces documents que la « petite poste » de Lyon commença à fonctionner le 1er Janvier 1778, et s'étendait dans un rayon d'environ vingt kilomètres autour de la ville.
Dans la cité même, étaient installées soixante-dix boîtes aux lettres, placées pour la plupart chez des épiciers et marchands de tabac. Le public avait aussi la faculté de donner les lettres aux facteurs qui portaient, nous dit l'avis, « en forme de giberne un petit coffret de cuir fermé au cadenas où les lettres sont introduites par une ouverture telle qu'elles ne puissent être retirées qu'après ouverture du cadenas», ce qui constituait, en fait, de véritables boîtes aux lettres portatives.
Le nombre des facteurs était de seize pour la ville et les faubourgs, plus quelques surnuméraires. Les facteurs faisaient sept tournées par jour. La première tournée avait lieu, en hiver, à six heures du matin et, en été, a cinq heures du matin. La dernière tournée était effectuée en toutes saisons à six heures du soir.
Chaque facteur était muni d'un instrument sonore appelé « claquette », formé d'une planche de bois muni d'un manche mobile en fer, à l'aide duquel il annonçait son passage. Cependant, l'usage de cet appareil était interdit au cours de la première tournée du matin, afin, disait le règlement, « de ne point interrompre inutilement les dames qui sont encore dans les bras du sommeil », souci de galanterie qui paraîtrait bien intempestif de nos jours.
Les premiers facteurs furent, paraît-il, choisis avec un soin tout particulier. Ils devaient posséder de réelles aptitudes à la marche et présenter toutes les qualités requises de fidélité, de probité et d'intelligence afin de mériter la confiance du public. La discipline était des plus strictes et toute faute dans le service était sévèrement punie.
Le tarif des lettres était de deux sols dans Lyon et de trois sols pour la banlieue. Il en coûtait trois sols par once pour transporter les colis. Le port pouvait indifféremment être payé à l'avance ou être laissé à la charge du destinataire.
Rien ne fut négligé pour assurer le succès de l'entreprise. L'avis au public insiste sur les avantages de la petite poste et fait ressortir, notamment, les facilités qu'elle apportera aux négociants qui pourront communiquer avec leurs commis, et aussi aux parents qui recevront des nouvelles de leurs enfants placés en nourrice car, dit l'imprimé, « Le nombre de nourrissons est immense, les femmes du bas étage étant aussi occupées que les hommes aux manufactures ». Dans le même ordre d'idées on signalait que la correspondance serait rendue plus facile avec les curés pour trouver des nourrices, curieuse publicité qui offre d'intéressants aperçus sur les us et coutumes d'une époque.
Les marques postales utilisées au cours du fonctionnement de la petite poste furent nombreuses. Il y eut d'abord les estampilles indiquant que le port avait été payé ou non. Celles de « port payé » furent au nombre de trois. La première utilisée contenait les lettres “P. P.” dans un cercle. Les deux autres renfermaient les mots “port payé”, dont un simple et l’autre formé de feuilles de laurier :
Les lettres dont le port restaient à payer recevaient des cachets contenant les mots “port dû”, soit dans un rectangle aux angles droits ou cassés, soit dans un cercle :
Au départ de Lyon, aucun cachet particulier n’était au début apposé. Toutefois, vers la fin du XVIIIe siècle, on fut usage d’estampille circulaire contenant la lettre L, seule ou surmontée d'une couronne penchée :
En banlieue, les lettres reçurent, vers la même époque, des griffes portant les mots BANLIEUE ou BANLIEUE DE LYON (en deux lignes), et qui servaient à indiquer la différence de tarif. On trouve aussi des plis portant le nom de la localité de départ. Le catalogue des Estampilles signale les noms suivants: Givors, Mornant, Charly, Chasselay, Curis, Saint-Rambert.
La date de départ était indiquée à l'aide d'un simple chiffre apposé au moyen d'une griffe :
Le numéro de la levée était porté par le même moyen, soit en entier: 6e LEVEE, soit en abrégé : 4e Lée, 3e Lvée :
Enfin, on trouvait encore au dos des lettres (et quelque-fois au recto) des timbres indiquant la lettre du bureau de poste (en petite capitale) et le numéro du facteur.
Ainsi revêtues d'estampilles sous toutes leurs coutures, les lettres ne risquaient évidemment guère de s'égarer.
Aussi le service de la petite poste fonctionna-t-il à l'entière satisfaction des « usagers » sans que rien de défavorable ne fût relevé à son égard. Toutefois, son créateur n'en eut pas longtemps le bénéfice. Un arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 juin 1780 supprima, en effet, les privilèges des maîtres des petites postes et incorpora celles-ci dans les postes générales, en laissant cependant un délai allant jusqu'au 1er décembre 1783 pour réaliser ce rattachement.
Nous n'avons pu déterminer la date à laquelle se fit l’incorporation de la petite poste de Lyon. En tout cas, il convient d'insister sur le fait que rien ne fut changé à l'organisation des services de petites postes qui passèrent simplement sous la direction de l'Etat et continuèrent, en fait, à fonctionner comme par le passé, en conservant même leur nom pendant de nombreuses années. (On trouve encore, en 1805, à Bordeaux, des cachets portant la mention « petite poste »).
Un arrêt du Conseil d'Etat du 31 mai 1786 avait d'ailleurs étendu le bénéfice de la petite poste aux villes qui en étaient dépourvues. Ainsi fut consacrée l'utilité de cette réforme qui, pour avoir été tardive, n'en fut que plus appréciée.
II faut donc rendre hommage à ceux qui, sans autre appui officiel que des lettres patentes, entreprirent de créer un peu partout des petites postes, et tout d'abord au précurseur que fut M. de Villayer, à Piarron de Chamousset, et à tous leurs disciples : Dagron de la Motte à Lyon, Delaunay à Nancy, Mangin à Nantes, Auvresle à Strasbourg, etc.
C'est grâce à ces pionniers, dont peu purent bénéficier pleinement du fruit de leurs efforts, que nos pères purent, ce qui nous semble aujourd'hui si naturel, correspondre entre eux à l'intérieur des villes.
L'ensemble des cachets des petites postes forme l'un des chapitres les plus attachants de la marcophilie. Les estampilles de la poste lyonnaise sont, en particulier, fort intéressantes à rechercher et constituent autant de raretés. Heureux ceux qui peuvent mettre la main sur seulement une d'entre elles !
Georges Chapier.”
2025 CHAMPIGNONS D’HIVER |
Emission d'un collector de quatre timbres sur une nouvelle thématique, les champignons au fil des saisons. |
2025 Solidarité avec Mayotte - Croix-Rouge française |
Emission d'un timbre à dons d’une valeur de 2,39 euros intégrant un don d’un euro au profit de la Croix-Rouge française, dont elle est partenaire depuis plus de 100 ans. |
2025 GRAND SOLEIL | |||
Emission d'un carnet de douze timbres-poste ou l’astre solaire a inspiré de nombreux artistes de toutes époques et courants artistiques.
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L'histoire mystérieuse des timbres de l'émission dite "de Rothschild"Newsletter de la maison Calves #39
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Nouveau dans notre sélection de l’expert :L’histoire mystérieuse des timbres de l’émission dite “de Rothschild”On appelle émission “de Rothschild” les timbres de l’émission Empire lauré (n°25 à 32 du catalogue Yvert et Tellier), émis dans une impression plus fine que les timbres ordinaires et en version non dentelée. Les catalogues philatéliques donnent peu d'explications sur cette série, ce qui conduit souvent les collectionneurs à les acquérir sans connaître leur véritable origine. Pour en apprendre davantage, il faut se tourner vers la presse ancienne, et en particulier vers l'Echo de la Timbrologie du 31 mai 1939 qui donne, dans un article court mais passionnant, les informations essentielles concernant les origines de cette émission… tout en mettant en lumière une pièce exceptionnelle : un timbre "Rothschild" sur lettre ayant effectivement circulé. Bonne lecture ! “Dans son joli livre, les Timbres-Poste et leurs Amis (…), le baron Henri de Rothschild retrace l'histoire des timbres non dentelés à l'effigie de Napoléon III ayant constitué la fameuse émission Rothschild. Le baron Nathaniel, grand-père de l'auteur, avait demandé et obtenu ces timbres spéciaux en vue de les offrir, à titre de « haute curiosité », à son fils Arthur, qui possédait déjà l'étoffe d'un grand philatéliste. Il n'était aucunement dans l'intention du célèbre banquier de se servir de ces timbres pour affranchir sa correspondance particulière, comme l'ont affirmé longtemps les grands catalogues français et étrangers. Limité à six ou sept cents exemplaires, leur tirage eut d'ailleurs été tout à fait insuffisant pour un tel emploi. Mais si ce n'était pas là leur destination principale, il n'en reste pas moins que les timbres de l'émission Rothschild avaient parfaitement le pouvoir d'affranchir la correspondance. En effet, nous avons sous les yeux et nous reproduisons ici une enveloppe adressée par la baronne Nathaniel de Rothschild à un peintre connu dont elle était l'élève et dont le neveu est un philatéliste niçois, M. Paul Trachel, qui est encore aujourd'hui l'heureux propriétaire de cette pièce à conviction. Cette enveloppe a été affranchie, sans que la Poste élève aucune objection, au moyen d'un timbre Rothschild à 20 c. bleu, qui a été régulièrement annulé avec l'oblitération étoile de points 35 (Ministère des Finances) ; sur l'enveloppe se trouve également le cachet à deux cercles correspondant PARIS - MINISTÈRE DES FINANCES - 2e 25 NOV. 69. Au verso figure le cachet en cire rouge de la baronne de Rothschild, avec le cachet d'ambulant Lyon-Marseille et l'empreinte du bureau distributeur de Nice. Cette pièce a été exposée à la Pexip par M. de Beaufond ; son authenticité indiscutable clôt de façon péremptoire et par l'affirmative la discussion sur la validité postale de timbres créés, à l'origine, pour satisfaire la fantaisie d'un grand financier, important personnage auquel le Second Empire n'avait rien à refuser. Nouveau dans notre sélection de l’expert :
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Les secrets du premier timbre gravé de France : le Port de La Rochelle
Newsletter de la maison Calves #38
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Les secrets du premier timbre gravé de France : le Port de La Rochelle
Certains timbres sont plus complexes à collectionner que d'autres, et le timbre du Port de la Rochelle en fait partie. Cette difficulté provient principalement des trois types différents qui le composent, et qui peuvent parfois désorienter les philatélistes. Dans l'Écho de la Timbrologie du 31 décembre 1941, C. Guéritault propose une étude remarquable sur ce timbre. Parmi les nombreuses informations précieuses que contient cet article, l’une d’elles mérite d’être retenue particulièrement : contrairement à ce que suggère aujourd'hui le catalogue Yvert et Tellier, il n'est pas nécessaire que les filets intérieurs et extérieurs du chiffre 0 de « POSTES » soient tous deux interrompus pour identifier un type II. L'interruption de l'un ou de l'autre suffit ! Bonne lecture !
“Le timbre de 10 francs, représentant l'entrée du port de La Rochelle, dont le dessin et la gravure, également remarquables, sont dus au maître H. Cheffer, est le premier des timbres gravés de France qui ait été tiré sur rotative ; contrairement à son contemporain, le timbre de 20 fr. “Pont du Gard”, il n'a pas donné lieu à un premier tirage à plat sur presse à bras.
D'après les renseignements que nous avons pu obtenir, la mise en route de cette nouvelle fabrication a donné lieu à un certain nombre de recherches, voire de tâtonnements, afin de vaincre des difficultés d'ordre technique. En tous cas, et du premier coup, le résultat fut excellent et fait grandement honneur à l'Atelier du Timbre du boulevard Brune.
Le tirage définitif, par feuilles de vingt-cinq (5 x 5), eut lieu à partir du 22 mars 1929. Ce tirage fut effectué dans une nuance outremer, d'une teinte assez claire, nuance qui resta constante pendant toute la durée de l'utilisation de la première série des trois planches gravées, enroulées sur le cylindre de la machine.
L'épreuve de luxe, d'une finesse admirable, provient du même coin, et est tirée exactement dans la même nuance.
Mais, avant la mise en vente de ce timbre outremer, avaient eu lieu, sur les mêmes planches, deux tirages, dans des nuances différentes, du même timbre. Ces tirages furent exécutés, l'un, dans une nuance chaudron clair, de même tonalité, mais plus pâle, que celle du timbre de 20 fr. « Pont du Gard », l'autre dans une nuance brun très foncé. Les timbres de ces tirages n’ont pas été mis en circulation, mais quelques feuilles dentelées (deux ou trois sans doute ?), de la nuance chaudron clair, ont été officiellement remises à de hautes personnalités qui s’étaient spécialement intéressées au nouveau mode de fabrication de l’Atelier du Timbre. Que sont devenues ces feuilles ? On l’ignore, sauf pour l’une d’entre elles, dont une quinzaine de timbres furent, pour la plupart, à l’époque, entre les mains d’un de nos plus réputés experts, et se sont classés dans d’importantes collections.
D’après nos informations, puisées à bonne source, quelques feuilles du tirage “brun très foncé” ont sans doute également été remises à de hautes personnalités mais, jusqu’ici, d’après l’enquête à laquelle nous avons procédé à cet égard, aucun exemplaire n’en serait connu dans les milieux philatéliques autorisés. (…)
Ceci dit, le premier tirage dans la nuance outremer, pour la mise en cours du timbre, est donc bien, comme indiqué ci-dessus, du 22 mars 1929 et ce tirage dura jusqu'au 27 mars. Les planches comportaient un numérotage et une date, imprimés sur la droite de la feuille, la date figurant à l'angle supérieur et le numérotage à l'angle inférieur. Les feuilles entières, et même les blocs de quatre avec le coin daté, de ce premier tirage, sont fort rares, étant donné que tout le tirage a été effectué dans une période de six jours, et alors que l’attention n'a pas été attirée sur une particularité dont on ne pouvait prévoir une aussi rapide disparition.
En effet un deuxième tirage, avec les mêmes planches, eut lieu du 19 avril au 8 juin 1929. Mais, dans ce tirage, le numérotage et la date sont imprimés à gauche des feuilles, le numérotage dans l’angle supérieur et la date dans l'angle inférieur. Cette disposition s’est, depuis lors, constamment maintenue pour tous les timbres gravés comportant un numérotage et une date, si bien que le premier tirage du 10 fr. susvisé est le seul de tous les timbres gravés portant la date à droite.
Les feuilles entières de ce deuxième tirage nous paraissent également rares (les coins datés le sont moins), peu de collectionneurs et de marchands avant sans doute pensé qu'une nouvelle gravure de ce timbre verrait le jour au bout de quelques mois seulement. Nous n'avons relevé, sur les diverses feuilles que nous avons examinées, aucune particularité spéciale.
Les timbres de ces deux premiers tirages sont ce que l'on est convenu d'appeler le type I. La finesse de la gravure et la beauté des tirages sont remarquables. Toutefois, il paraît que, du point de vue technique, certaines préoccupations subsistaient. Toujours est-il qu'un nouveau coin fut exécuté par le graveur pour reprendre le tirage en 1930. Avec la ou les molettes provenant de ce coin furent gravées trois nouvelles planches (une série de trois planches pour enroulement sur la machine) et les timbres de ces planches constituent ce que l'on appelle le type II du 10 francs.
Ce type, d'après les catalogues, est caractérisé par les points suivants: Forme différente de la lettre E du mot POSTES. Tracé incomplet du 0 de la valeur 10 fr. (…)
Pour ce qui est de la forme de la lettre E l'indication donnée est exacte et complète. Il n'en est pas de même pour ce qui est du tracé du 0 de la valeur. Le catalogue Yvert, France et Colonies, de 1939, donne le tracé ci-dessous, avec le filet intérieur du 0 ouvert en bas et le filet extérieur continu :
Le catalogue général Yvert de 1942 donne un autre tracé, avec le filet intérieur et le filet extérieur également interrompus vers le bas, le filet extérieur s'arrêtant, à gauche, au niveau de la troisième ligne horizontale de hachure à partir du bas du cartouche et, à droite, au niveau de la deuxième ligne de hachure.
D'autres tracés encore, également différents, ont été publiés par ailleurs. De fait, quelque bizarre que cela paraisse à première vue, tous ces tracés sont rigoureusement exacts.
L'étude extrêmement curieuse, que nous espérons avoir pu mener à bien, des trois planches de ce tirage, montre en effet que les soixante-quinze timbres de ces trois planches comportent des variétés différentes et constantes dues sans doute, les unes à des difficultés dans la gravure des planches par la molette de report (difficultés provenant probablement de la nature des métaux employés), les autres à des retouches faites au burin sur certains des timbres de ces planches pour remédier à de légères défectuosités de report. (…) Nous avons pu étudier quatre planches entières : n°16986 du 20-9-30 ; n°15741 du 30-9-30 ; n°63551 du 17-10-30 ; et n°63552 du 17-10-30.
Nous pensons que notre étude permet un classement plus méthodique et plus complet des timbres si intéressants de ce type, que nous proposons de schématiser comme suit :
1- filet extérieur interrompu, filet intérieur du O ininterrompu (3e timbre d'une des planches).
2- filet extérieur du O ininterrompu et trait parasite (20e timbre de la même planche), filet intérieur interrompu.
3- retouche du filet extérieur du O prolongé en bas et à gauche jusqu'au cadre, filet intérieur interrompu, 19e timbre de la même planche.
4- filets intérieur et extérieur du O interrompus ; filet extérieur horizontal du bas du 1 existant.
5- filets intérieur et extérieur du O interrompus, filet extérieur du bas horizontal du bas du 1 inexistant.
Dans un autre ordre d’idées, on a indiqué que les timbres au type II se distinguaient facilement par leur nuance spéciale. Cela n’est exact que pour une partie du tirage. Ce tirage a été effectivement effectué en trois fois : a- du 18 au 23 septembre 1930 ; b- du 29 Septembre au 7 octobre 1930 ; c- les 16 et 17 Octobre 1930.
Or la partie b du tirage a bien été effectuée dans une nuance outremer, plus foncée mais de la même gamme de teinte que celle du tirage de 1929, tandis que pour les parties a et c on a employé une couleur bleu foncé très voisine de celles des tirages de 1931 et assez difficile assez difficile à distinguer de ceux-ci, même quand les feuilles sont juxtaposées. On peut donc dire que le type II existe nettement en deux nuances : outremer foncé et bleu foncé. (…)
Sans doute, les planches du type II n'ont pas encore donné toute satisfaction du point de vue technique, car, en 1931, apparaît un troisième type, qui provient du même coin que le type II, mais sans doute de molettes et tout au moins de planches différentes.
Les tirages de ce troisième type, effectués en 1931, 1932, 1935 et 1936, sont encore en planches de vingt-cinq. La teinte est bleu foncé, avec peu de variantes, et, cette fois, les planches sont impeccables et ne présentent aucune variété, les filets extérieurs des 0 et 1 des chiffres de la valeur étant absolument normaux. (…)
L'emploi du timbre de 10 fr. étant devenu plus important, l’administration fit faire, en 1937, une quatrième série de trois nouvelles planches, de cinquante timbres chacune. Le tirage resta dans même nuance bleu foncé et nous n’avons relevé aucune variété intéressante; le type est toujours le type III des tirages précédents. (…) A ce moment le modèle du timbre fut changé et remplacé par celui du « Donjon de Vincennes ». (…)
C. Guéritault.”
n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
C’est la raison pour laquelle nous republions dans nos newsletters une pépite issue de la littérature. Cette semaine, nous vous proposons de redécouvrir une histoire surprenante : celle d’une incroyable escroquerie survenue pendant le Siège de Paris. À l’époque, une agence avait réussi à convaincre à tort les Parisiens assiégés qu’elle pourrait leur permettre d’échanger des lettres avec leurs proches en province, en traversant les lignes prussiennes.
Nous vous informerons ensuite sur les derniers rebondissements d’une autre escroquerie, ayant récemment défrayé la chronique : celle des faux timbres en provenance de Chine, utilisés pour tromper la Poste.
Si ces articles vous intéressent, n’hésitez pas à le commenter, à le “liker” ou, mieux encore, à le transférer à d’autres philatélistes ou à le partager sur vos réseaux.
Notre newsletter a également vocation à vous tenir informés de nos actualités, telles que les dates de nos ventes flashs ou nos participations à des salons, mais aussi à vous donner des “trucs d’expert”. Lisez-la régulièrement pour ne rien manquer !
L'affaire de la Correspondance générale : l'incroyable histoire d'une entreprise de faux courriers
Les Parisiens disposaient de deux moyens pour correspondre avec leurs proches en province pendant le siège de Paris en 1870. Le premier, bien connu et largement utilisé, était l’envoi de lettres par ballons montés, un sujet que nous avons déjà abordé dans cette newsletter. Le second, moins fréquent et beaucoup plus coûteux, consistait à faire appel à des passeurs privés qui traversaient à pied les lignes ennemies, risquant leur vie pour assurer la transmission des messages. Sauf que des escrocs s’en sont mêlés… C’est cette histoire passionnante et peu connue qui est racontée par Stéphane Strowski dans l’Echo de la Timbrologie du 30 avril 1935. Bonne lecture !
“(…) Dans la première semaine d'octobre 1870, le public parisien fut invité à confier des correspondances pour parents et amis de province à une entreprise privée, qui leur proposait ouvertement ses services. C'est ce qui résulte d'une très intéressante lettre par ballon-monté, dont M. Jean Doyen, de Paris, veut bien me donner la substance. Elle a été écrite par son propre grand-père, à destination de sa grand mère, réfugiée en province. La lettre est datée du 15 octobre, précisément de l'époque où s'effectua le rassemblement des correspondances pour la mystérieuse voie de terre. Cette lettre par ballon double une autre lettre, confiée à ces messagers clandestins, et elle a pour objet d'expliquer à la destinatrice le mécanisme de cette transmission occulte. (…)
D'abord, nous apprenons l'adresse du bureau où l'on déposait les lettres : C'est le 19 du Boulevard Montmartre, en plein cœur de Paris. Il fallait s'y présenter en personne. Une habile réclame avait été lancée dans la presse du siège pour annoncer l'entreprise. En particulier les journaux du 14 octobre avaient annoncé que les courriers partiraient de Paris dans la semaine. (Cet avis aurait dû faire naître quelque défiance dans l'esprit des Parisiens, car enfin ils pouvaient bien soupçonner que ces gazettes tomberaient sous les yeux des Prussiens et qu'ils feraient bonne garde, étant prévenus).
Ces journaux expliquaient clairement comment l'opération en partie double devait s'exécuter. Chargés de ces lettres, au préalable affranchies en timbres-poste, les messagers se proposaient de traverser les lignes d'investissement, puis de confier leur petit paquet au premier bureau de poste libre, en dehors de la zone occupée par l'ennemi. Naturellement ce bureau les expédierait à leurs destinataires. Grâce au papillon collé à l'intérieur et aux indications, reproduites dans le cours de la lettre, le destinataire s'empresserait de profiter de la même voie, mais en sens inverse, pour adresser sa réponse à l'expéditeur. (…). C'est à Tours qu'il faudra adresser ces réponses, sous pli avec la suscription : Monsieur le Représentant de la Correspondance Générale, Grand Hôtel d'Angleterre à Tours. Et les journaux ajoutent, comme nos papillons, que ces lettres doivent être simplement pliées, non cachetées, et ornées d'un timbre de 20 c. Le messager devait en effet les déposer dans un bureau de poste parisien, qui les transmettrait. Il n'y a pas jusqu'à la façon d'envoyer ces correspondances au fameux représentant de l'Agence qui ne soit minutieusement décrite par la presse.
Sur la foi de ces renseignements, il n'est pas douteux que nombre d'assiégés ont dû se rendre au bureau du Boulevard Montmartre, pour tenter d'obtenir par son intermédiaire des nouvelles de chers absents. Le grand-père de M. Doyen y alla donc lui aussi et il y remit sa lettre pour sa femme, réfugiée dans la Nièvre. Cette démarche, il la lui raconte justement dans cette lettre par Ballon, qu'il lui expédia le 15 octobre. Au bureau, on lui répéta que les courriers attendraient, pendant quelques jours, les réponses, centralisées à Tours, et qu'il les rapporteraient à Paris, en s'exposant aux mêmes risques qu'à l'aller. On l’avisa qu'il ne devait pas attendre la réponse avant l'expiration d'un délai minimum d'une dizaine de jours. Les dix jours se sont allongés indéfiniment, comme on le verra plus loin.
Il versa le prix demandé. Grâce à sa lettre, nous savons ce que l'on exigeait pour ce double transport d'une lettre, transport doublement périlleux : la bagatelle de 10 francs. Ce n'était pas cher, même en francs-or, pour s'offrir l'espoir d'une réponse. D'ailleurs la Correspondance Générale donnait généreusement un reçu - ça inspirait confiance. Et, ce qui inspirait encore plus confiance, elle s'engageait à rembourser la moitié de la somme si la réponse ne parvenait pas. On ne dit pas si les remboursements ont jamais eu lieu. Il est probable que ces messieurs prirent leurs précautions pour ne pas être envahis par tous ceux qui attendirent en vain le retour des courriers.
Dans la crainte que sa lettre du 15 par ballon ne fût pas arrivée à destination, notre parisien recommence le 17, par la même voie (sans doute le Victor-Hugo, lancé le 18), et il répète à sa femme les mêmes renseignements sur la Correspondance Générale. Un peu plus tard, toujours par ballon, il lui raconte quelques visites qu'il est allé faire boulevard Montmartre. Le 25 octobre, on lui a dit « qu'aucun courrier n'était encore rentré dans Paris, mais qu'il y avait tout lieu d'espérer jusqu'à la fin de la semaine courante ». II attend encore quatre jours ; le 29, réponse analogue. Dernière tentative le 5 novembre, même réponse dilatoire. Ainsi, le 5 novembre, le bureau existait encore. Il fallait bien sauver la façade !
De réponse, M. G... n'en vit jamais venir. Il est vrai que sa lettre du 15 octobre n'était jamais parvenue à destination. (…)
Mme G..., elle aussi, a employé les services de la Correspondance Générale ; elle a fait partir une lettre à son mari par cette voie clandestine. Naturellement il ne l’a pas reçue, et pour cause ! Il n'y avait à Tours aucun représentant de cette peu scrupuleuse Correspondance Générale. L'existence de son agent y était aussi imaginaire que celle de l'Hôtel d'Angleterre, où il donnait son adresse. Mme G... ajoute : « J'ai appris trop tard que c'est une escroquerie ». Elle l'apprit par les journaux. Sans doute avaient-ils été prévenus officieusement par les soins de l'administration. C'est ainsi que le Journal de la Nièvre avertit ses lecteurs que le représentant en question et son hôtel n'existaient pas.
Voilà donc la question vidée en ce qui concerne cette trop habile Correspondance Générale. C'était une entreprise malhonnête pour collectionner les pièces de 10 francs aux dépens des assiégés. Le risque d'être démasqué et puni n'était pas bien grand. Ses auteurs durent « plonger » dans les bas-fonds de Paris et disparaître avant que le pot aux roses ne fût découvert.
(…) Les resquilleurs du Boulevard Montmartre, qui ont dû recevoir des milliers de lettres, ont cherché à s'en débarrasser, car ils ne pouvaient ni les garder, ni les brûler. Peut-être ont-ils fait le simulacre de les expédier par un compère qui ne devait pas aller très loin. Il est possible aussi, mais on hésite à le supposer, car ce serait trop odieux, que cette entreprise ne fut qu'une machination pour l'espionnage, habilement camouflée. Si, par invraisemblance, c'était cela, il faut bien reconnaître que l'Etat-Major allemand ne dut pas tirer grand chose comme renseignements, de ces lettres purement privées. (…)
Stéphane Strowski”
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