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Il y a un siècle, chaque nouvelle émission de timbres par l’administration postale suscitait de vives discussions. À l’époque, en effet, seuls quelques timbres étaient émis chaque année, contre plusieurs centaines aujourd’hui. L’une des séries les plus emblématiques de la collection de timbres de France, les Orphelins de guerre, fut ainsi la cible de critiques acerbes lors de sa sortie. C’est sur cette controverse que P. Morel d’Arleux revient dans l’édition du 31 juillet 1941 de L’Écho de la Timbrologie. Cet article offre également l’opportunité de découvrir les esquisses originales de cette série et d’apprécier leur évolution. Bonne lecture !
“Le première série des timbres des Orphelins de la guerre est aujourd'hui très recherchée. Le 5 francs est même devenu une pièce rare. (…) Nous croyons intéressant de donner sur ces timbres quelques renseignements qui permettront aux collectionneurs de les mieux connaître.
Un décret du 22 février 1916 décida la création de timbres à surtaxe dont le bénéfice devait être utilisé au profit des Orphelins de guerre des employés des Postes et Télégraphes. Il resta sans effet et le 22 octobre de la même année fut décidée la création d'une série de timbres spéciaux à surtaxe dont le bénéfice, c'est-à-dire le montant de la surtaxe, devait être versé au comité de la « journée nationale des Orphelins de la guerre ». Ce décret autorisait la création de huit timbres d'une valeur respective de 2 c.+3 c., 5 c.+5 c., 15 c. + 10 c., 25 c. + 15 c., 35 c. + 25 c., 50 c.+50 c., 1 f.+1 f. et 5 f. + 5 f. Primitivement les deux premières valeurs devaient être au même type, mais (…) le 5 c. + 5 c. au type du 2 c. + 3 c. ne fut jamais imprimé et il faut attendre 1919 pour voir apparaître le 5 c. + 5 c. vert au type orphelins. Cette vignette a été dessinée par Surand et gravée par Jarraud.
La première série se compose donc en réalité de sept valeurs dont la composition fut confiée au peintre Dumoulin. Comme nous le verrons par la suite cette série a été l'objet de nombreuses critiques tant au sujet des compositions choisies que de leur exécution. Il faut se rappeler que ces timbres ont été imprimés en typographie : la vignette en taille-douce n'existait pas encore. De plus le petit format des trois premières valeurs de la série ne permettait pas une composition compliquée. Dans l'ensemble, les critiques vont également au dessinateur Dumoulin et au graveur Ruffe. Il n'existe pas d'épreuves de luxe de ces timbres mais quelques épreuves d'artiste sur chine sont parvenues jusqu'à nous, elles nous donnent quelques précisions sur les dessins originaux et les corrections qui y ont été apportées.
Le 2 c. +3 c. brun-lilas a pour sujet la veuve. La composition en est simple à souhait et bien venue. Le graveur Ruffe semble avoir tiré de cette vignette au format des timbres ordinaires le meilleur parti possible. Enfin c'est un des sujets qui a été le moins critiqué ; l'idée de veuve nous conduit immédiatement à l'orphelin. Une des principales critiques de l'époque a été à juste titre que dans cette série créée au profit des orphelins de la guerre, aucun sujet ne se rapportait directement à son objet. Il eut été préférable que l'un des timbres, de préférence le plus usuel, illustrât directement le but de la création de la série, c'est probablement la raison pour laquelle le timbre de 5 c. +5 c. est venu par la suite la compléter avec comme composition deux orphelins.
Le 15 c. + 10 c. gris-vert et le 25 c.+15 c. bleu ont pour sujet la charrue. La composition en est assez banale et le graveur n'a pu que s'acquitter consciencieusement de sa tâche. M. Dumoulin s'est certainement inspiré des timbres de Tunisie au type charrue qui lui avaient été commandés en 1906, mais ce nouveau timbre est loin d'être un progrès sur son prédécesseur. Le sujet se rattache bien, si l’on veut, à l’idée d’orphelin, car c’est une femme qui conduit la charrue, mais la composition n’en est pas moins très pauvre.
Les timbres venant ensuite sont tirés en grand format et en deux couleurs. Le 35 c. + 25 c. ardoise et violet a pour sujet le drapeau. Le 50 c. + 50 c. brun et brun clair représente le lion de Belfort, et les 1 f. + 1 f. carmin et carmin-brun et 5 f. + 5 f. noir et bleu clair la Marseillaise. Notre but est aujourd’hui d’étudier plus spécialement ces trois vignettes qui, en grand format, permettaient une réalisation plus intéressante.
Sous un encadrement ardoise apparaît en violet un paysage du front. Au premier plan, des fils de fer barbelés sur lesquels flottent nos trois couleurs. Le fond du paysage est imprécis à souhait et laisse jouer l’imagination.
Dans le projet initial, la valeur d’affranchissement était inscrite à gauche en grands chiffres et la surtaxe indiquée à droite en chiffres plus petits dans un cartouche circulaire. Dans le timbre définitif, le paysage a été légèrement rogné à droite et la surtaxe gravée en grands chiffres sans cadre. La composition est ainsi plus dégagée et l’equilibre plus harmonieux. Malgré la qualité du sujet, ce timbre est médiocre dans son ensemble. Il faut reconnaître qu'il a de sérieuses qualités de détail, mais on a pourtant l'impression que ni le peintre ni le graveur ni les couleurs choisies n'illustrent à souhait notre emblème national.
L'artiste a traité ce sujet plus en tableau qu'en vignette postale. Il a placé le monument bien connu de la Défense de Belfort sur la gauche, et a disposé ensuite les inscriptions aux emplacements qui pouvaient le moins nuire à l'ensemble de l'image, sans profiter du tirage en deux couleurs pour mettre en vedette son sujet. Dans son ensemble la composition manque de recherche et de personnalité. Le cadre, un rectangle arrondi aux angles, est formé fort heureusement d'un simple trait, mais le cartouche portant la valeur manque de simplicité, et ne correspond ni à l'ensemble de la composition ni même à l'ensemble de la série. Une branche de chêne vient fort à propos en corriger la forme compliquée. Comme dans la vignette précédente, la surtaxe était originairement placée dans un cartouche circulaire. La modification qui a été apportée dans le type définitif améliore considérablement la composition d'ensemble car elle interrompt la ligne d'horizon qui nuisait au paysage. (…)
L’idée est très heureuse d’avoir choisi, pour couronner cette série, l’apothéose nationale si parfaitement personnifiée par le merveilleux morceau de sculpture de Rude. L’artiste a su extraire du groupe la matérialisation de l’idée de victoire à laquelle les orphelins de guerre payent un si cruel tribut et a laissé le reste du tableau dans la même note imprécise que les compositions précédentes, mettant ainsi pleinement en valeur le sujet principal. Nous lisons à ce propos dans l’ouvrage de M. Demoulin, Les Timbres-Poste Français, la critique suivante : « Bien que nous ne percevions pas la liaison pouvant exister entre l’oeuvre de Rude et celle des orphelins de la guerre, nous pensons que le dessinateur eût dû la reproduire dans son intégralité. Cette mutilation est une faute. Quand on regarde le timbre, on peut se demander, en effet, si le personnage qui parait surgir des nues n'est pas aussi bien l'archange saint Michel s'apprêtant à terrasser le démon, ou l'ange exterminateur dont parle la Bible, lequel était chargé de massacrer les Egyptiens parce qu'ils martyrisaient les Hébreux. Au surplus cette victoire ailée n'a pas gagné à la transposition ». Nous ne sommes pas de l'avis de M. Demoulin. La transposition de tout le haut-relief de Rude sur la vignette eut été désastreuse et n'aurait pas répondu à l'idée de l'artiste, qui a su tout au contraire matérialiser l'idée de victoire et d'énergie, idée qui n'a pas dû sembler mauvaise puisqu'elle a été magistralement reprise en 1936 en taille-douce. Seul le burin de M. Ruffe n'a peut-être pas su rendre avec assez de vigueur la pensée et la composition de l'artiste.
Le projet initial a été plus profondément retouché que pour les autres valeurs. En effet, sur l'épreuve d'artiste que nous vous soumettons, un coq gaulois mal dessiné surmonte le cartouche de gauche. Il a été fort heureusement supprimé et il est amusant de constater qu'on le devine encore sur le timbre quand on connaît son existence. Sur le cartouche de gauche, la grecque est agrémentée de points ; ces derniers ont été supprimés dans le type définitif. Enfin quelques modifications ont été faites aux inscriptions, notamment à l’L du mot ORPHELINS et à l’A de LA.
Il est enfin à remarquer que les timbres portent la seule signature du graveur, alors que les épreuves portaient celle du graveur et celle du dessinateur. (…)
Si cette première série des orphelins n’a pas recueilli lors de son apparition tous les suffrages, (…) les critiques qu’elle a suscitées ne l’ont pas empêchée de connaître une belle carrière.
P. Morel d'Arleux”
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