Petite et grande histoire des postes locales au Maroc
Rubrique : CNEP Les professionnels de la Philatélie - par HUGGLe nom de H. Hofstetter vous est peut-être inconnu. Pourtant, c'est à ce grand philatéliste que l'on doit l'intégration des "Postes locales du Maroc" dans le catalogue Yvert et Tellier. En effet, grâce à ses recherches minutieuses, ces timbres à l’histoire passionnante ont été répertoriés pour la première fois dans l'édition de 1936. Vous trouverez ci-dessous l’article qu’il a consacré à leur sujet dans le numéro d’avril 1936 du magazine L’Écho de la Timbrologie. Une véritable mine d’informations sur les circonstances ayant mené à l’émission de ces timbres et sur la manière d’identifier certaines contrefaçons !
“Par suite du développement du commerce au Maroc entre les ports et les villes de l'intérieur, les commerçants prirent la résolution d'assurer le transport de leur courrier par leurs propres moyens. Ce fut M. Isaac Brudo, fils du Vice-consul de France, établi à Mazagan, qui organisa en Janvier 1891, un service régulier entre Mazagan et Marrakech. Cette entreprise fut bientôt suivie par d'autres services entre les principales villes. Ces services ont régulièrement fonctionné. (…)
En novembre 1892, le Sultan Moulay Hassan, très mécontent que ces revenus remplissent les poches de ses sujets au lieu de rentrer dans ses coffres, créa la Poste chérifienne qui alla du Nord au Sud et relia les principales villes. Le service se faisait par Rekkas (courriers à pied), marcheurs infatigables. (…)
La poste de M. Brudo toutefois ne disparut pas et il s'en fonda d'autres dont les services étaient plus appréciés que ceux de la Poste officielle. (…)
En Janvier 1891, M. Isaac Brudo organisa un service spécial entre Mazagan et Marrakech avec départ quotidien dans chaque sens. La distance est de 200 kilomètres. L'affranchissement de la lettre simple était à 0.25 c. et des journaux également de 0.95 par 100 grammes. Le 1er timbre créé fut un 25 c. rouge dans un ovale (…). En septembre 1892 il réduisit le port à 10 c : le même timbre fut surchargé à la main 10 cents en noir et bleu (…). Malgré la concurrence de la Poste chérifienne, le service prospéra.
En janvier 1893, il fit imprimer à Paris une nouvelle série de 5 valeurs, sujet : Coucher du soleil au delà de l’Atlas, fond ligné horizontalement. On trouve les 5 et 10 c. lignés verticalement. (…) Les cachets, au nom de la firme, sont en noir, bleu, rouge et violet. En mars 1895, il créa une valeur provisoire en surchargeant le 5 . vert : 20 centimes (…) et peu après fut émis un 20 c. brun, un des meilleurs timbres de la série. Cette série fut imitée ; le papier est glacé, brillant, le fond n'est pas ligné.
Les autres Consulats furent jaloux de l'Entreprise Brudo. M. Morteo, Vice-consul d'Italie à Mazagan, s'entendit avec M. Spinney, agent de la Poste anglaise dans la même ville, pour créer un service concurrent. Moins bien organisé que celui de Brudo, il cessa de fonctionner le 9 décembre 1898. Sujet : Paysage, 6 valeurs ; les 5 c. et le 1 Pes. sont très rares, surtout usés. (…) En 1898, par suite de l'épuisement du 10 sentisimi, le stock du 25 fut surchargé (…). La série fut imprimée par la Maison Waterlow Bros. de Londres et était en vente au bureau de la poste anglaise à Mazagan. Il a été émis également 3 cartes postales dont la 5 c. bleue est la meilleure (…).
Fin 1899, M. Brudo fit imprimer par la maison Gélard et fils de Lyon une nouvelle série, sujet : Chasse aux antilopes, 7 valeurs, et une série Taxes de 7 valeurs. (…) Le 16 juillet 1900, Brudo céda son service à l'Administration des Postes françaises au Maroc. Celle-ci s'engagea à affranchir tout le courrier échangé entre Mazagan et Marrakech, jusqu'au 15 Juillet 1902, en utilisant le stock resta acquis à M. Brudo. (…)
C’est la firme Gautsch & Co. de Tanger, après entente avec la Poste française du Maroc, qui organisa ce service privé bi-hebdomadaire. Les Rekkas quittaient Tanger les lundis et vendredis dans la soirée pour arriver à Fez les jeudis et lundis. La ligne fut ouverte le 1er juillet 1892. Cette série (sujet : palmier) se compose de 7 valeurs (…). J’ai appris que les descendants de Gautsch ont vendu le restant du stock en Suisse. Les usés sont donc 5 fois plus rares que les neufs.
Le 1er juillet 1893, ce service passa aux mains de l'Administration française avec obligation pour celle-ci d'employer ces timbres jusqu'au 1er avril, soit pendant 3 mois. Les timbres portant le cachet réglementaires de la Poste française sont très rares.
Ces timbres ont été réimprimés, on les reconnaît par le cartouche qui est intact, tandis que sur les authentiques le bas du cartouche est écorné. Les couleurs sont plus vives. Ces réimpressions ont été faussement oblitérées (…).
Ce courrier français, organisé par M. Maimaran, négociant à Mogador, en août 1892, n'eut qu'une durée de quelques semaines par suite de la concurrence des Postes chérifiennes qui ne demandaient que 10 c. au lieu de 20 c. Un seul timbre : chiffre dans un ovale.
Le 1er avril 1893, la maison allemande Marx & Co. à Mogador organisa un autre service en collaboration avec la firme Nissian Coriat de Marrakech. Pendant les deux premières années, du 1er avril 1893 à août 1895, les lettres furent simplement marquées par un cachet au nom de la firme, renseignement qui peut intéresser les marcophiles. L'affranchissement de la lettre ordinaire était de 10 centimos et de la lettre recommandée de 30 c.
En août 1895, elle commanda à la maison Klingenberg à Detmold (Allemagne) une série lithographiée de 5 valeurs, sujet: Mosquée, dentelure 12 ½ ×13. (…) En 1896, les 10 c. étant épuisés, on décida de surcharger les 15 c., 50 c. et le 1 Pes. « 10 centimos », en attendant les nouveaux 10 c. dentelés 11 ½, commandés en Allemagne, qui sortirent en 1897 à 30.000 exemplaires. Les surchargés sont très rares. Cette série fut imitée : on la reconnaît par le mur du bas qui ne possède pas les 5 fenêtres comme sur les authentiques.
Fin 1899, la série étant complètement épuisée, il fut procédé au tirage d'une nouvelle série, sujet : Rekka, 5 valeurs, par la même maison allemande. Les 15 c. et le 1 Pes. qui ont été signalés dans plusieurs ouvrages, n'ont jamais existé. (…) En 1900, pour parer à la concurrence des bureaux européens, l'affranchissement fut réduit de 10 c. à 5 c. et le stock restant du 10 c. fut surchargé au moyen d'un timbre en caoutchouc « 5 centimes ». Il y a 4 surcharges différentes en noir et 5 surcharges différentes en violet (…). Ces timbres sont excessivement rares. Malgré l'ouverture des bureaux étrangers, ce service fonctionna jusqu'en 1909.
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